La sclérose en plaques,
c'est vous qui en parlez le mieux.
Le 23 juin 2017

La sclérose en plaques, par François.

« Rien n'est pire que de découvrir
soi-même sa propre pathologie. »

« Sclérose en plaques : Plaidoyer pour un diagnostic partagé.

Tout dans la sclérose en plaques (SEP) est compliqué, à commencer par son diagnostic. Il n'est déjà pas simple pour un médecin d'annoncer une maladie grave à un patient mais lorsque à l'annonce d'un diagnostic lourd s'ajoute le trouble d'un pronostic aléatoire les choses deviennent réellement délicates.

Mais comme me le disait il y a peu de temps encore mon neurologue avec son enthousiasme habituel : « choisir médecine ce n'est pas annoncer que des bonnes nouvelles sinon faut faire autre chose. Boulanger par exemple, au pire vous annoncez qu'il y a plus de croissants... ça, ça se gère ».

Pour ma part, le diagnostic, je l'ai d'abord accouché moi-même, il y a 10 ans, appuyé en cela par Internet et les comptes-rendus d'une IRM réalisée plus d'un an après l'apparition des premiers symptômes (une perte brutale de la vision à l'œil gauche). Je n'ai certes pas fait médecine mais quand vous avez 30 ans, que vous lisez à plusieurs reprises dans un rapport médical « zones de démyélinisation », que vous l'associez avec une névrite optique, des troubles de l'équilibre et des fourmillements répétés dans les pieds et les mains, le plus crasse et le moins performant des moteurs de recherche vous guidera nécessairement vers la même pathologie : sclérose en plaques. Et ce sera finalement un ophtalmo, médecin militaire de son état, une qualité martiale qui a peut-être contribué à l'affranchir de toute forme de sensiblerie, qui a prononcé le premier les trois lettres devinées par moi depuis quelques mois déjà : « SEP ». Quoi de plus naturel qu'un acronyme pour un militaire ? Il y avait quelque chose du « RAS » dans ce diagnostic et pourtant, des choses à signaler dans cette étrange et mystérieuse pathologie, il y en a toute une palanquée...

Vous l'aurez compris, cette lettre ouverte se veut un plaidoyer pour une plus grande transparence, une plus grande information, une plus vaste liberté de dialogue et d'échanges entre le patient et le médecin. J'ai la plus grande confiance en la capacité des praticiens à mesurer avec toute l'acuité nécessaire la force et l'impact qu'un tel diagnostic, même seulement envisagé, peut avoir sur le malade. J'ai pleinement confiance en leur faculté à adapter leur discours à la personnalité et aux fragilités décelées du patient. Je comprends, bien entendu, les précautions nécessaires et les explorations méticuleuses indispensables à la recherche d'autres diagnostics possibles, moins dramatiques peut-être, moins empesés de l'ombre sinistre de la chaise roulante et de la dramaturgie humide de l'incontinence.

Mais croyez-moi amis médecins, rien n'est pire que de découvrir soi-même sa propre pathologie, au grès de la blogosphère et aux détours des sites paramédicaux, à la lecture émue des portraits désespérés de malades dont la solitude poignante le dispute à l'incompréhension révoltée. Rien n'est pire que de tomber sur de pseudos-remèdes de charlatans qui vous conseillent d'aller régulièrement vous faire piquer par des abeilles suicidaires mais coopératives (comme si les traitements « classiques » n'étaient pas déjà suffisamment désagréables) ou de dépenser des fortunes pour vous inoculer de fabuleuses cellules souches aux pouvoirs aussi incroyables que non prouvés. Bref, le net vous rend soit dépressif, soit crédule soit les deux au gré de vos navigations et de votre humeur.

Je crois qu'il faut aujourd'hui que les médecins fassent confiance d'une part à l'intelligence de leurs patients mais aussi et surtout - à défaut d'intelligence - à leur capacité à accéder à une information même parcellaire et parfois inexacte sur la nature de leur propre pathologie. Sans aller jusqu'à parler de révolution copernicienne, c'est véritablement un changement de logiciel, comme disent les politiques, que se doit d'opérer la Faculté. Et que les médecins se rassurent, c'est aujourd'hui plus que jamais que nous autres, patients, sommes suspendus à leur savoir et à leurs connaissances. C'est maintenant plus qu'en tout autre temps que nous avons besoin des médecins pour éclairer nos incertitudes et apaiser les interrogations inévitables nées de la consultation stupéfaite et angoissée de l'abîme d'informations que représente Internet. Nous continuons et nous continuerons encore à vous faire confiance et à remettre entre vos mains notre santé et parfois notre vie, rendez-nous s'il vous plaît une parcelle infime de cette confiance en nous faisans partager, avec tout le soin et les précautions que vous jugerez nécessaires, vos hypothèses, vos espérance et pourquoi pas vos doutes aussi difficiles à exprimer et à entendre soient-ils. »

Par FXD, 38 ans, atteint d'une sclérose en plaques depuis 10 ans, marié, deux enfants.

❤️ Soutenez l'association Notre Sclérose ! (Exemple : un don de 20€ ne vous coûte réellement que 6,80 €).
 

Rediffusion du 02/06/2010.

12 commentaires
27/08/2012 à 12:16 par isa
Très belle lettre ouverte François plein de justesse et de subtilité!
POur ma part, c'est aussi moi qui ait fait mon diagnostic sur internet. J'en ai parlé à mon tout nouveau médecin traitant qui m'a confirmé que ca pouvait être ça... ou autre chose.... mais qu'il fallait consulter un spécialiste.
Quand le neurologue m'a annoncé le diagnostic je n'ai pas cillé, je savais déjà... La nouvelle m'a même soulagée. Je suis pragmatique, on avait trouvé ce que j'avais on allait pouvoir "travailler" à un mieux. Et là stupeur! Des infirmières ont débarqué pour me demander si j'avais compris, ce que je ressentais... parce que mon réaction n'étais pas normale j'étais dans le déni... Un psy est aussi venu; même réaction : je ne me rendais pas compte c'est pour ça que je continuais à rire... à vivre quasi "normalement". Et bien si je me suis parfaitement rendu compte, j'ai très bien compris, je ne suis pas idiote, ni insouciante. J'ai juste une nature optimiste et combative et qu'une fois la maladie identifiée je me sentais plus forte pour la combattre, en sachant cependant très bien que qqf je ne ferais pas le poids... Je sais aussi que j'ai de la chance d'être comme ça mais à chaque personnalité sa façon d'accueillir le diagnostique... de vivre sa maladie.

Isa

15/08/2011 à 21:20 par Alexandra
Excellent plaidoyer... Il faudrait pouvoir le diffuser dans la sphère médicale !

Lorsque j'ai envoyé mon long (!) témoignage (diffusé en 3 parties sur le blog fin mars début avril 2011) à mon médecin traitant, elle à énormément appréciée de pouvoir connaitre et se rendre compte comment un patient perçoit son diagnostic et vit la maladie. Si ce n'était pas en Allemagne, je lui demanderais de diffuser celui-ci !

Comme Agnès, le ciel m'ai tombé sur la tête quand j'ai appris la nouvelle et malheureusement je n'avais pas grand monde sur qui me reposer :( Mon neurologue de l'époque m'a demandé de ne pas aller sur internet et de le contacter si j'avais des questions. J'étais tellement sonnée que je n'ai même pas envisager d'aller chercher des infos moi même... Jusqu'au jour ou il n'y eu personne pour répondre à mes questions... Alors oui, j'ai cherché et je dois dire que cela me rends plutôt dépressive de lire tout ça :(

Je n'ai malheureusement pas du tout confiance en la capacité de certains praticiens à comprendre leurs patients... Je me suis battue tellement de fois contre leur certitude de savoir ce qui est bon pour moi et très peu on respecté mon point de vue sur la question ou on prient cela très à la légère car ils savaient qu'ils ne me reverraient probablement plus...

Je suis actuellement au Canada, en pleine poussée depuis 2 mois (heureusement pas trop dramatique !) j'ai trouvé pas mal de réponses à mes questions lorsque j'ai découvert qu'il me fallait payer plus de 500 Euros pour voir un neurologue aux urgences. Ici ils ont une énorme association: http://mssociety.ca/fr/default.htm ou on peut poser des questions, cependant j'attends toujours la réponse - tout n'est pas parfait... http://www.reponsessp.ca/Home.aspx?L=3
Alors peut-être qu'une solution pour faire comprendre aux praticiens que nous sommes des être pensant, serait que chacun donne son témoignage à lire à son médecin, neurologue, infirmière...

C'est parfois par des petites gouttes d'eau que l'on fait des rivières qui mènent à l'océan... Et ce blog est déjà un beau fleuve ;) MERCI !

27/09/2010 à 18:46 par Agnès
Très beau texte François, même si je ne suis pas vraiment concernée...on dirait une lettre ouverte

Lorsque l'on m'a annoncé le diagnostic je suis tombée des nues...et à vrai dire pas vraiment à même de me rendre compte de ce qui se passait ... en pleine poussée, avec le mal de tête qui va avec la PL, je me suis totalement reposée sur ma mère et mon mari. J'avais 24 ans...

26/09/2010 à 20:44 par MACHEN lucette
J'ai oublié de dire qu'également c'est mon ophtalmologue, après plusieurs années m'a annoncé "ça y'est , vous le savez, depuis 1976 on le soupçonnait mais à l'époque..." je lui ai dit non je ne le savais pas et que je ne savais même pas ce que c'était. et en arrivant chez moi j'ai bouquiné le livre de médecine pas d'internet. Mais à aucun moment, je n'en ai voulu à qui que ce soit.

26/09/2010 à 20:40 par MACHEN lucette
Ben, j'ai l'impression de ne ressembler à personne. Pourtant je sais que j'ai la SEP depuis 1996 mais en fait elle n'a été diagnostiqué qu'en 1996 mais présente depuis 1976. J'ai 52 ans et j'ai toujours vécu ma vie normalement, en faisant les changements en conséquence.
Effectivement, pour ne pas déranger mon conjoint, je ne veux pas annuler les promenades, ou comme cette après-midi une foire, j'utilise mon fauteuil comme une canne et ensuite quand je suis fatiguée, je m'en sers comme d'un fauteuil roulant. j'ai de la chance car je peux malgré tout continuer de visiter ou me promener.
Je ne me suis jamais dit "pourquoi moi". Il est sur que les gens qui m'entourent sont des personnes dites "normales" mais il y en a tant de personnes que je ne connais pas dont leur état est certes beaucoup plus grave.
Je n'ai pas fait attention à la maladie (contractée à 17 ans) et j'ai fait ma vie. Avec les plus et les moins. Je me suis mariée et 2 enfants.
Cela fait depuis 1998, toutes les semaines les mardis aux alentours de 18h, j'ai une piqûre Avonex.
Je suis soignés pour l'hypertension, pour une ostéopanie depuis 2003 (suite bolus de solumédrol) , .... et d'autre choses. Mais le moral est là, et pour ça pas besoin de médicaments.

03/06/2010 à 16:03 par moody
bien écrit !

03/06/2010 à 10:00 par Clalis
Bonjour François,

Rien à rajouter, Nabelle a tout dit. Bisous et bon courage.

02/06/2010 à 19:56 par laujumau
Merci pour ce magnifique témoignage je me suis permis de le publier sur fb courage
bizzzzz
merci arnaud pour ton blog et courage à vous tous

02/06/2010 à 13:28 par annabelle
Bonjour François !

Le souci c'est que les neurologues (les médecins de manière générale) haïssent Internet et ne voient que le côté désinformation.
Deuxièmement, ils ne veulent que rarement admettre, que nous patients comprenons beaucoup de choses médicales et connaissons notre propre cas mieux que quiconque. (nous n'avons pas leur si brillant cursus)
Beaucoup de sclérosés en plaques (pour ne pas dire la majorité) savaient qu'ils souffraient de cette maladie avant même qu'elle ne leur soit diagnostiquée.
Pas la peine de faire des suggestions ou des réflexions en tout genre, c'est pas nous les neurologues et c'est navrant, parce que souvent, même si oui effectivement la neurologie n'est pas notre cursus, nous pouvons avoir des idées (peut être fausses), mais ces idées sont aussi nos interrogations.
Alors, si ils nous écoutaient davantage, le schmilblick avancerait un tout petit peu plus.

Je te souhaite que des bonnes choses et un quotidien le moins pénible possible.
Bidoud
Nabelle

02/06/2010 à 11:13 par Sep à moi
Bonjour François ! Beaucoup de similitudes avec mon cas sauf que ce n'est pas internet - je ne l'avais pas - mais le Vidal, qui me l'a annoncé.
En effet, mon neuro m'avait parlé de démyélinisation et quand j'ai consulté ce bouquin je suis tombé sur Sclérose en plaques.....Et là, j'ai refermé le livre.

Quand j'ai prononcé ce mot à mon neurologue, il y a eu un silence !
Il devait être rassuré mais moi, pendant des années j'ai vécu dans l'angoisse !

Courage à toi !

02/06/2010 à 10:02 par sophie
Merci pour ce plaidoyer plein d'intelligence et de bon sens !
Moi aussi j'ai fait mon diagnostique toute seule sur internet. J'ai eu la chance d'avoir un généraliste, puis un neurologue (un genre de Dr House, malheureusement décéde maintenant)qui ne m'ont pas pris pour une idiote et n'ont pas fait diversion. Bien sûr l'annonce définitive n'en a pas été plus "douce" mais j'ai évité ces mois d'incertitude dont les malades parlent si souvent. Cela m'a sans doute permis de commencer plus vite le travail d'acceptation ( si tant est que l'on accepte un jour cette maladie) et d'avoir très vite l'envie furieuse de me battre.
Je souhaite moi aussi que des médecins lisent ces mots et comprennent que beaucoup de leur patients sont prêts à entendre la vérité et à l'affronter.
Porte-toi bien.

Sophie

02/06/2010 à 08:06 par nicole
bravo pour ce plaidoyer François, j'espère seulement que des médecins puissent lire ce message
J'ai travaillé dans le milieu médical pendant des années et certains médecins ne tiennent pas compte de la volonté des patients de connaître leur maladie et ils minimisaient sur leurs connaissances qui dans leur inquiétude posaient des questions auquelles ils n'osaient pas répondre , même si toutes les réponses sont incertaines maintenant avec internet on en apprend beaucoup; Alors si au moins 1 médecin lit cette réponse qu'il en tienne compte.....
Courage et profites au max de ta famille

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