« Bonjour,
Je n'ai pas eu l'occasion de lire de témoignages dans ce site sur voyages et sclérose en plaques, donc je me permets de donner ma contribution pour l'association Notre Sclérose, voilà je me lance !
Je m'appelle Chantal, j'ai toujours voyagé depuis que j'ai pu mettre un peu d'argent de côté, cela a toujours été mon moteur, quitter l'hexagone, et découvrir d'autres pays, d'autres cultures.
J'ai voyagé seule, et aussi avec des amis, sac-à-dos, et 2 nuits d'hôtel, ensuite on improvise. Lorsque j'avais du temps devant moi, je prenais toujours beaucoup de plaisir à préparer un itinéraire avec des étapes dans les villes ou les lieux que nous voulions visiter. Ensuite, le hasard des rencontres faisait que nous restions plus ou moins longtemps quelque part, c'était la liberté.
Je passais parfois de longues périodes d'attentes, pour choper un train moins cher avec ma carte wasteel (carte de réduction jeunes), et ou bien, relier une auberge de jeunesse au fin fond d'une région de France. Oui, j'ai aussi profité de week-ends prolongés ou de vacances pour découvrir de belles régions, mais je me disais souvent : « la France je la visiterais quand je serais vieille ! »
Quand on n’a pas trop de sous, on prend les transports en commun, on dort chez l'habitant, ou dans les auberges économiques, on fait du stop. J'ai voyagé comme cela par exemple, en Andalousie, seule française dans des bus qui reliaient Malaga, Cordoue et Grenade, puis Séville. Nous passions dans des petits villages, où la campagne environnante était jalonnée par des champs d'oliviers bien rectilignes, et le Guadalquivir qui serpentait en bas de la route vertigineuse et laissait sa marque sur des paysages à couper le souffle.
Ça fumait beaucoup dans les bus, et la télévision hurlait des commentaires de matchs de football ou des sitcoms américains en version espagnole.
J'ai passé des heures à attendre la fin du marché à Fort-de-France, que les taxis collectifs les fameux taxicos, soient pleins (9 passagers avec le chauffeur) en plein cagnard sur la grande place près du siège de la compagnie Air France. C'était pour moi, le moyen le plus économique de visiter l'île. Et là, le « voyage commençait » avec la musique antillaise à fond sortant de l'auto-radio, et la pédale d'accélérateur enfoncée sous le pied du chauffeur.
Avec l'expérience, bloquée entre deux doudous qui revenaient du marché les paniers vides si elles vendaient leur production, ou bien pleins si elles étaient allées au ravitaillement, j'ai préféré attendre le terminus qui correspondait pour moi au but de ma visite. Car s'extraire de la Peugeot break en court de parcours, après un freinage d'urgence du chauffeur sur le bas-côté, très peu pour moi. Et puis, cela pouvait impliquer qu'au retour, je pouvait passer de nombreuses minutes, voir très longtemps à attendre un taxico pour relier Fort-de-France avant la nuit tombée (18 heures, heure locale, le rideau tombe, nuit noire et parfois défaut d'éclairage public…). La première année, j'étais partie avec un budget ridiculement bas, pensant séjourner au sud de l'île 4 semaines, là où les plages sont vraiment belles, les plages caraïbes, sable blanc et cocotiers. J'ai trouvé un studio à louer (non déclaré) dans la banlieue de Fort-de-France à Schœlcher. En Grèce, j'ai accompagné une amie d'île en île dans les Cyclades, où nous avons fait des sauts de puce en bateau, et nous nous sommes énormément diverties dans les boîtes de nuit, et les bars branchés, nous louions des mobylettes sur les petites îles pour profiter des plages peu fréquentées. Lorsque je relis ce que je viens d'écrire, j'ai l'impression que tout ceci c'était dans une autre vie, c'est un peu vrai, puisque c'était des expériences avant la sclérose en plaques.
L'année du diagnostic (2003), j'étais épuisée, angoissée, j'ai démarré un traitement de fond assez rapidement en mai 2004, et déjà je me disais, « non les piqûres ne vont pas m'empêcher de bouger ! ». Cela faisait tout de même beaucoup de choses à « digérer » au début. Je dois dire tout de même que lors d'un séjour chez une de mes sœurs qui m'avait trouvé une infirmière qui se déplaçait à domicile pour mes injections, j'ai appris avec elle à me piquer toute seule, c'était un apprentissage bien utile. Ensuite en Bretagne, un week-end j'ai abandonné mes amies parties à la plage avec leurs enfants, pour faire mon injection dans la voiture en utilisant le tableau de bord comme « plan de travail ». Charge à moi, de rapatrier les maillots des pioupious oubliés dans le coffre de la voiture… Je les avais rejoints, et nous étions allés à la pèche aux coquillages.
J'avais obtenu ensuite du laboratoire un auto-injecteur, qui m'a permis lors d'un voyage en province de me faire mon injection le plus discrètement possible à ma place dans le TGV.
La maladie a évolué un peu trop vite à mon goût, j'ai commencé à avoir des problèmes vésicaux, j'avais des envies irrépressibles, et je ne vidais pas ma vessie totalement, d'où les envies fréquentes mal maitrisées. J'en parle ouvertement, car en aucun cas, les soucis vésicaux ne devraient réduire nos sorties et nous désociabiliser, j'ai lu que ces problèmes concernent environ 70% des malades au court de la maladie. Et cette maladie touche l'adulte jeune.
Alors comment faire lorsque l'on est dans un taxi qui nous amène à la gare dans les embouteillages ? Comment faire pour rejoindre les toilettes, quand déjà on tient mal sur ses guiboles dans le TGV et que l'endroit est… OCCUPÉ !!!???
Cette période a été un frein réel à ma mobilité, même en allant aux toilettes le plus souvent possible, en portant des protections hygiéniques, je n'étais pas à l'abri d'un accident, et je me trimballais comme un petit enfant, avec un change complet dans mon sac. C'était une période noire, qui a connu une rémission grâce à des médicaments qui devaient calmer mon « hyperactivité vésicale » Céris© et Ditropan© et aussi l'utilisation de l'électro-stimulation par TENS©. Grâce au traitement, cela m'a permis de partir à l'ouest des États-Unis visiter les grands parcs nationaux Yosemite, Grand Canyon, Monument Valley… Je me disais que si je voulais y aller c'était maintenant ou jamais (été 2005), ne sachant pas ce que la maladie me réserverait. J'ai pu attendre sans incident, les « pauses techniques » toutes les 3 heures environ, et puis l'autocar de tourisme disposait de wcs chimiques en cas d'urgence. C'est un point que j'avais vérifié avec l'agence de voyage, avant de réserver. Malheureusement, au bout de 6 mois, cela ne fonctionnait plus pour moi… mince saloperie de sclérose en plaques, ce sont bien les symptômes qui peuvent bien nous pourrir la vie !!!
Et les sorties à la plage ou au bord de la rivière chez ma sœur ? Comment accepter de rester habillée en plein été, car le port du maillot de bain est impossible avec des protections. Comment aller faire quelques brasses, sans savoir si on sera capable de se retenir ?
Deuxième étape et frein à ma liberté de mouvement, je ne pouvais plus louer de voiture et partir à l'aventure, la sclérose en plaques m'a fait aussi perdre trop d'acuité visuelle pour me permettre de conduire à nouveau, donc voyage organisé, déjà un premier pas. On verra bien comment cela va se passer ?
J'ai remarqué que dans mon entourage, on ne me proposait plus de partir à l'étranger, devais-je me résigner à ne plus voyager ? La sclérose en plaques me créait déjà forcément des frustrations, mais j'avais encore tellement envie de partir.
Autre point qui avait été un frein à mes voyages, la chaleur, car je suis déjà tombée malade en 2003, année de la canicule, je suis très sensible aux écarts de température, et les températures trop élevées influent sur mon acuité visuelle et ma mobilité, j'ai l'impression d'être comme engourdie.
Pour les Etats-Unis, pas de problème, au Colorado, comme en Californie et dans les autres états, les lieux publics sont climatisés, et étrangement n'ayant pas suivi le groupe pour une visite la veille de Las Vegas by night, j'étais la passagère la plus « éveillée » dans la vallée de la mort (il faisait environ 45 degrés), ce désert porte bien son nom !!
Ensuite viennent les années de doute, sur mes capacités physiques, ma résistance à la fatigue, ma résistance aux décalages horaires, à l'alimentation qui change… Mon périmètre de marche s'est aussi progressivement réduit. À Vegas, tous les hôtels et casinos fournissaient des fauteuils roulants aux clients à mobilité réduite, mais à l'époque j'avais refusé d'en emprunter un. Psychologiquement je n'étais pas prête, et ce n'était pas une sortie qui allait me manquer de toute façon, quoique… en y repensant, je n'y retournerai probablement jamais. Tant pis pour moi.
Dans mon quotidien, j'ai du me résoudre à acheter un fauteuil roulant manuel, mais il est vrai que j'ai attendu 3 ans pour tenter un premier voyage à l'étranger, en Belgique en famille et avec mon autre sœur en Espagne en avion. Merci à elles, déjà de me l'avoir proposé, elles connaissent mon goût des voyages. Et cela m'a permis de tester l'expérience de voyager avec mon fauteuil et tous mes médicaments, car mince… même pour seulement quelques jours, plus question de partir avec un petit sac… qu'est-ce que l'on trimballe !!!
Mes problèmes vésicaux avaient également aussi été résolus, par des injections de toxine botulique. C'est invasif, mais déjà pour ma qualité de vie, grâce au botox je suis retournée au cinéma, aux concerts, au théâtre, comme avant… Comme la vessie est « paralysée », cela nécessite de s'auto-sonder pour évacuer l'urine. Certains vont penser, oh la pauvre… c'est moche d'en arriver là ! Moi je regarde tout ce que je peux à nouveau faire grâce à ce traitement et je signe à deux mains pour la toxine !! Pourvu que ça dure !!
Pour conclure, je vous invite à consulter mon blog, afriquedusudpourquoipas.blogspot.com qui retrace mon récent voyage d'une dizaine de jours en Afrique du Sud. C'était ma seconde étape, serais-je capable de voyager non accompagnée avec mon fauteuil et la sclérose en plaques dans mes bagages ?
J'ai créé ce blog pour partager mon expérience, et aussi, inciter des personnes comme moi qui ont envie de voyager, à le faire aussi malgré la sclérose en plaques ! »
Par Chantal.
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Je suis Myriam diagnostiquée SEP depuis 2020 et je vais m'engager dans un séjour itinéraire aux USA ce mois-ci. Je ne rencontre pas encore tous les problèmes que vous citez ici et, par conséquent, je veux vite réaliser mon rêve américain avant qu'il soit trop tard. Vos témoignages renforcent cette envie de voyage. Ils font du bien. Merci Chantal ainsi qu'à vous tous.