La drôle de vie du "grand monsieur avec une petite sclérose".
« Bonjour,
Je me souviens avoir avoué à un de ses voisins, le soir même où j'ai embrassé Franck pour la toute première fois, que j'étais follement amoureuse. Oui. Déjà. Et que c'était insensé.
La réponse fut la suivante :
- «Il faut tout de même que tu le saches, il a une sclérose en plaques...»
Je ne savais rien de cette maladie au nom un peu effrayant. Dans la première seconde, mes pensées s'arrêtèrent sur l'image de muscles atrophiés, d'un corps recroquevillé sur son fauteuil roulant. Puis sur celle de Franck : 1m 96, environ 100 kg, deux grands yeux bleus souriants.
Comment ?
- «Pour ne pas t'effrayer, il a fait en sorte de ne pas marcher avec sa canne».
C'était la première fois que je me trouvais confrontée, brutalement, au dur sujet du handicap, à la maladie. Aimante, j'aurais alors souhaité tout comprendre immédiatement… Peine perdue lorsque je m'aperçois encore aujourd'hui que certains «sepiens» eux-mêmes ont du mal à gérer leurs propres fatigue, émotions ou traitements.
Lassé d'expliquer en vain (avec un manque de recul évident, l'annonce de la maladie étant toute jeune d'un an), d'affronter et de décrypter les regards (pitié ? compassion? dédain ? ou…? ou…?), de se battre à la fois contre les préjugés et contre les faiblesses de son propre corps, il avait préféré taire «le mal» pour flirter comme un jeune homme normal.
Je pouvais comprendre cette attitude, même si elle était un peu triste. Je tiens évidemment à préciser qu'à aucun moment sa santé n'a été mise en danger : nous étions dès le départ des gens assez calmes et sortions assez peu.
Le petit secret a éclaté en morceaux au bout d'un mois. Je lui ai dit que mon secret à moi était de déjà connaître le sien…
Voici 11 ans maintenant que nous vivons ensemble.
Lui, tantôt sur ses deux jambes (marchant plus ou moins bien selon sa température corporelle et l'heure du jour et de la nuit), avec ses cannes en bois ou rétractables (un genre de bâton de ski qui se déploie ou se réduit, fait maison), tantôt sur fauteuil motorisé (en cas de grosse grosse fatigue).
Le «grand monsieur avec une petite sclérose en plaques» comme l'appelle son neurologue est particulièrement bien coaché question équipe médicale (psy, urologue, spécialiste de la fertilité, kiné) et je lance un appel à tous les nouveaux malheureusement touchés par la sclérose en plaques : «surtout, soyez bien encadrés par des équipes médicales qui communiquent bien entre elles».
Moi, je vis au rythme qu'il m'impose. Avonex® le vendredi. J'ai appris à faire les piqures…
À Paris, bon courage pour trouver une infirmière qui se déplace à heure fixe ou qui, dans son cabinet, ne répond pas à son téléphone en même temps qu'elle ouvre la porte à un patient tout en piquant une fesse…
Malgré de grandes difficultés d'un point de vue professionnel qui le minent (discrimination, mise au placard, problèmes d'accessibilité), Franck tente toujours de faire bonne figure en public. Il dégaine un humour cynique à la Dr House (on l'appelle parfois comme ça…) que j'ai étrangement pu retrouver dans les propos d'autres Sépiens qui ont témoigné sur ce site.
Un autre point commun qui m'étonne souvent est la répétition de cette phrase par beaucoup d'entre vous : «Je n'ai pas à me plaindre, il y a pire que moi».
Je l'entends souvent à la maison. J'ai un peu de mal à la comprendre.
Quant aux conjoints, amis ou compagnes de personnes atteintes de sclérose en plaques, sans doute avez-vous déjà parlé avec une personne «"valide» de votre situation familiale ?
Et là, tombe cette phrase stupide: « Tu as du courage…!».
C'est vraiment lors de ces moments que je me rends compte qu'une association comme la vôtre a raison d'exister.
Il faut du courage pour changer les comportements et les mentalités ».
Par Rachel.
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