« Bonjour à tous,
Je m'appelle Agnès et j'ai 28 ans.
Il y a deux ans, je rêvais de parcourir l'Inde, de faire une année de volontariat international en Asie, de vivre avec Mathieu… À cette époque, je travaillais en Dordogne où je vivais seule, à deux heures de ma famille et quelques 500 km de mon compagnon.
Pendant les fêtes de fin d'année 2008, ma vue a commencé à baisser à gauche. Au début, je n'y ai pas prêté attention en pensant que la fatigue me jouait des tours mais la situation s'est vite aggravée jusqu'à ce que mon œil soit voilé d'un épais nuage gris rosé. Après plusieurs jours d'angoisse car on ne m'accordait pas de rendez-vous en urgence chez l'ophtalmologiste, les premiers examens ont conduit à une IRM et une hospitalisation en urgence. Je n'oublierai jamais le manque de tact du personnel médical à chacune des étapes qui a conduit jusqu'au diagnostic, jamais non plus les yeux émus et remplis de larmes de la douce fée infirmière en charge de m'expliquer les traitements existants.
Cinq jours, trois ponctions lombaires (dont deux ratées) et un bolus de cortisone plus tard, je suis mise dehors pour cause de plan blanc alors que j'ai perdu six kilos et souffre d'atroces migraines. Mon corps est un vase de verre pilé, mon bassin une mâchoire en acier rouillé. Les jours et les nuits s'enchaînent sur un lit de pierres… Un mois de convalescence sera nécessaire à me remettre sur pieds. Un mois durant lequel tenir une fourchette, boire une gorgée d'eau ou marcher quelques pas ne pourront se faire sans l'assistance de mes proches. Un mois durant lequel écouter de la musique classique, voir les sourires de mes proches et sentir le vent, agrippée au bras de mon bien aimé lors de ma première sortie à pieds… seront des moments de pure extase !
Début février, je peux reprendre le travail mais le voyage en Inde que j'avais planifié pour ce début d'année doit être annulé. Le Gange attendra… En quelques jours, je décide de quitter mon emploi, mon appartement et ma région. J'emménage à Lyon où j'espère trouver une meilleure prise en charge médicale. Il faudra batailler ferme pour obtenir un rendez-vous mais le feeling passe et je me sens rassurée.
Je commence l'Avonex® en mai. Je fais moi-même mes injections mais les nuits qui les suivent sont épouvantables* (fièvre, frissons, douleurs et raidissements des membres...). Après environ 6 mois, les effets secondaires s'apaisent un peu mais je suis usée de me piquer seule en sachant les réactions que cela déclenche sur mon corps. Mon compagnon et une infirmière à domicile prendront le relais quelques temps avant que je ne retrouve courage.
Tout au fil de l'année, je découvre qu'insidieusement, le diagnostic a déjà bouleversé le moindre de mes repères, la moindre de mes certitudes… Où puis-je trouver du repos lorsque mon corps et ses nouvelles douleurs (sensations de bleus, de pertes de force ou d'équilibre, fourmillements, piqûres d'aiguilles, décharges électriques, mots de tête et vertiges…) m'accompagnent à chaque instant ? À qui parler de ces souffrances invisibles et si difficiles à imaginer pour quiconque ne les vit pas ? Que penser lorsque le corps médical lui-même prétend qu'elles ne sont pas liées à ma maladie ? Faut-il poursuivre un traitement dont l'administration et les effets secondaires semblent me rendre plus malade que la sclérose en plaques elle-même ? Comment confier mes souffrances les plus intimes et mes inquiétudes pour l'avenir sans faire fuir et lasser mon entourage ? Puis-je espérer une trêve et poursuivre mes rêves ?
L'année 2009 a probablement été la plus dure et la plus éprouvante de ma vie mais elle m'a aussi sortie de mon immobilisme. Ce déménagement n'aurait jamais eu lieu sans elle, pas plus que tout se qui en a découlé. Quelques semaines après mon arrivée à Lyon, j'ai décroché un entretien pour un poste permettant d'étudier les bienfaits de la nature sur le bien-être et la santé publique. Malgré beaucoup d'interrogations sur la capacité de mon corps à cumuler traitement et poste dynamique et itinérant, je réalise la période d'essai. Après quatre mois, j'annonce ma maladie à mon employeur qui l'accepte sans tergiverser et me laisse même prendre un congé anticipé de 3 semaines pour réaliser l'un de mes plus grands rêves : sillonner l'Inde du Nord. Ce sera chose faite en février 2010 où j'interromps mon traitement et décolle pour vivre la fameuse « Fête des couleurs » à Varanasi. Suivront Bodhgaya, Agra et Delhi. Un voyage parfois difficile mais inoubliable.
Depuis lors, je voyage régulièrement dans le cadre de mes fonctions, en France et à l'étranger. Même si ces derniers jours les grosses chaleurs me jouent des tours dans les jambes, je savoure au quotidien ma chance de n'avoir encore aucun souci moteur, de pouvoir crapahuter dans le métro, courir les samedis où j'en ai le courage et danser. J'ai peur de l'avenir, bien sûr et j'ai conscience que l'abandon de mon traitement est un pari risqué. Mais je n'ai pas le cœur à le reprendre pour l'instant et veux croire que chaque jour vécu pleinement sera une force supplémentaire pour retarder la progression de la maladie.
Un an et demi après le diagnostic et mes principaux rêves accomplis, je comprends que la vie que l'on a est aussi celle pour laquelle on se bat. Comme le chante Grand Corps Malade qui m'a accompagné lors de cette renaissance, je vais continuer à apprendre les nouveaux codes de ma route.
En attendant que nous ne souffrions plus d'a priori ou de gêne en parlant de notre situation, que la recherche avance sur la compréhension des causes de notre mal et trouve un traitement efficace sans effets secondaires, MERCI à l'association, à Arnaud et à vous tous que je suis depuis les premiers jours de la maladie à travers ce site.
Puisse chacun d'entre nous trouver le courage de se battre pour ses rêves.
Bien à vous. »
Par Agnès.
*Note de Notre Sclérose : les effets secondaires éventuels et leur intensité sont très variables selon les gens.
❤️ Soutenez l'association Notre Sclérose ! (Exemple : un don de 20€ ne vous coûte réellement que 6,80 €).
Je note tes coordonnées, merci.
Il est possible que je revienne vers toi.
As-tu eu tes effets "bizarres" dès le début ou après plus de temps ? Qui a pris la décision de changer ;
: toi ou l'ancien neuro ? Contente que tu aies trouvé un neuro avec qui le courant passe, c'est tellement important. J'espère que Tysabri va continuer à te faire effet...
Bonne soirée,
Agnès