La sclérose en plaques,
c'est vous qui en parlez le mieux.
Le 10 juin 2020

La sclérose en plaques, par Armand.

« Je mets du temps
à m’en remettre. »

Mon fauve. 

« J'avais une vie normale. Je vivais les peines et les joies, les amours, les angoisses, les tristesses, les rires qui jalonnent toutes vies de jeunes parisiens mi-bobo, mi-prolo, à peine intello.
Ça roulait cahin-caha, mais ça allait bien. 

C'était il y a deux ans. 

Un matin, le sort -ce salopard- accompagné de sa petite ordure de pote, le destin, me jetèrent dans une très grande cage, m’indiquant d’un regard que c'est là qu'il me fallait passer le reste de ma vie.
Il a fallu du temps. Pour voir. Pour m’habituer au noir. Encore plus de temps pour comprendre qu'il était là.
Je l’apercevais mal, dans la pénombre, je ne distinguais ni sa taille, encore moins ses intentions. Je ne pouvais mesurer s'il était vraiment sauvage, où si sa présence me faisait vraiment courir le moindre risque.  
Mais il était là : je voyais ses crocs, ses griffes, je ressentais au fond de mes tripes sa sourde respiration qui résonnait dans chacun des membres de mon corps.

Mon fauve. Ma Sclérose

Allez, allez, allez, ça va bien se passer, non ? NON ? Bordel, pourquoi personne ne dit rien ? 

Je regarde au travers des barreaux de ma cage : mes amis, ma famille sont là, restés en dehors. Et franchement ils tirent la tronche des jours daubés. J’ai beau blaguer, faire des pouet-pouet à chaque phrase, ils font la gueule.
Ma mère, comme une folle, essaie de rentrer dans la cage pour prendre ma place.
Mon frère me regarde et murmure. Je n’entends rien mais je lis sur ses lèvres. "S'il te plait, tiens !"
D’autres sont déjà en train de se barrer. Sympas les mecs, merci. 
Beaucoup, aux travers des barreaux, m’encouragent.
Et il y a ceux qui ne disent rien mais qui mettent dans leur regard plus de choses que dans la plus belle des mains tendues. 
Je les aime. Tous. 

Pour finir, il y a de drôle de mecs, des grosses têtes, des crânes d'œuf. Tous habillés de blouses blanches. Je pense qu'ils doivent parler une forme de dialecte Tamoul car je n'y comprends rien. Mais tout ça a l'air, presque, de les faire marrer, cette histoire de cage, de pénombre, de fauve. Sales enfoirés de merde. 

La bête a frappé la première. 

Une morsure, violente, sur mon bras, sur ma jambe. Je morfle salement.
Je me relève à peine qu'il me met un coup de griffe à l'œil.
Je mets du temps à m’en remettre. Je me retrouve avec un faciès et un regard à la Jean-Paul Sartre : le gauche qui regarde le Sud, le droit qui matte au Nord. Puis tout revient à la normale.
Mais je doute. Fort. Et je me pose plein de questions.

Combien de temps ça va durer ? Oui, oui, je sais, toute une vie.
Qu’est ce qu’ils me restent à faire ? Tout. Et surtout me battre.
Que dois-je abandonner ? Rien. Et si ça doit m'arriver un jour, j'irais conquérir d'autres manières de vivre.
Le fauve a-t-il gagné ? Non. Je me défendrais. Je tiendrais le Fort, coûte que coûte. 

C'est là qu'un crâne d'oeuf, un parmi les moins constipés, me jette par une lucarne installée entre les barreaux, un fouet. 

J’ai mis du temps à savoir m’en servir. Mais depuis je dresse mon fauve.
Et, seul dans ma cage, je pense à tous les autres, dans toutes les autres cages. »

Par Armand.

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Rediffusion du 02/12/2013.

7 commentaires
10/06/2020 à 19:50 par CIECIVA Marysa
cc ARMAND,surtout ne lâcher jamais,le tigre est en vous,et il le sauras à jamais,il faut cohabiter avec,et prendre toujours le dessus,trés important,quand à vos soit disant amis,qu'ils vous ont lâcher,n'ayez aucun regret,au contraire,c'est le moment de faire un tris,vous et votre famille est plus important que tout,toujours debout,toujours la banane,je vous fait un gros bisous entre SEP,

28/12/2018 à 09:28 par bardin Nicole
OUI LILY .....C'est notre sort quand la bète nous saute dessus ,c'est un long ,dur ,eternel combat...

NE pas laisser tomber les bras ,sinon ,se servir du fouet...

Depuis 14 ans ,je n'aurais jamais cru tenir... Mais je peux avouer que j'ai compris qu'elle ne me lacherait pas une douzaine d'années après. Un jour ,j'ai eu envie de faire un tas de choses dans la maison que je ne pouvais plus faire??...Mais qu'est-ce qui m'arrive?....J'y ai cru ! hélas ,je suis vite revenue à mon triste sort ,elle etait toujours là...Mais je crois et j'ai dit .....C'est une partie de la bète qui entre e.n moi.......ET un an après ,vers Noel ,rebelote??....Après j'ai compris qu'elle avait gagné ,me suis remise à vivre normal ,soit retrouver mon sourire ,mes blagues ,un caractére d'enfant et gai ,et au fond de moi ,les sentiments sont revenus normaux à peu près.Pendant ces 12 années ,rien ,ni la joie ni la peine ,le bien le mal rien que du superficiel ....le plus triste c'est que c'est à ce moment que nos 2 fils se sont mariés et que 3 petits enfants sont nés...Parfois encore ,ça me fait mal...Pour finir ,j'ai un coupable gratuit ?....VACCIN HEPATITE B.....!
Allez courage ! bonne fin d' année..

21/04/2017 à 13:30 par Arnaud - Notre Sclérose
Chère Lily,

Merci pour votre message et courage pour la suite…
Bon week-end,

Arnaud - Notre Sclérose

21/04/2017 à 13:03 par Lily
Bonjour,

Waouh que d'émotions ! J'ai pleuré en vous lisant ...
Belle métaphore pour une telle bête qu'est la sep !Elle est ma coloc depuis 7 ans mais ne l'ai toujours pas amadoué ...
Belle journée et courage
Lily

02/12/2013 à 17:43 par moost
j'ai bien aimé la métaphore même si je la comparerais à une ... fouine ! plutôt qu'à un fauve

02/12/2013 à 12:35 par doudou
Canon, j'adore! Comment faites-vous pour trouver les mots?
Moi, j'ai toutes les pensées, toutes les émotions, mais rien ne sort! Pourtant, j'ai 5 ans d'expérience dans le domaine; j'en revient toujours pas, je crois toujours rêver.

02/12/2013 à 10:42 par Agnès
Bravo ! Tu as beaucoup de recul dans ta description, j'aime beaucoup ton témoignage ! Nous avons tous peu ou prou le même parcours mais à chacun sa manière de le vivre. Et en effet, même si parfois la solitude se fait sentir au quotidien, nous savons tous que notre cas n'est pas unique. Accroche toi, bats toi, continue comme ça. Amicalement, Agnès

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