« Bonjour,
Je m’appelle Arnaud (et oui tu n’es pas le seul ^^), j’ai 35 ans (1976), je vis en Belgique. Je suis diagnostiqué avec une belle petite sclérose en plaques de type « poussées/rémissions » peu après mes 23 ans.
Tout a commencé un samedi après-midi, dans un snack avec ma compagne de l’époque, j’étais assis en attendant ma commande et là… j’ai commencé à voir une sorte de tâche sombre qui me brouillait la vision… Peu inquiet à ce moment, il y avait beaucoup de soleil et je m’étonnais d’être peu ébloui ! En fait, j’en rigolais même ; au volant de ma voiture, je n’étais pas obligé d’utiliser le pare-soleil ! Mon champ visuel était tout simplement réduit.
Le soir même, j’ai commencé à avoir de fortes céphalées, et la nuit, ca devenait insupportable ! Je vivais encore chez mes parents et je suis allé les réveiller en disant « ce n’est plus possible, il faut que j’aille aux urgences… ». Chose faite dès le lendemain matin. Deux heures d’attente pour enfin être reçu par un médecin urgentiste : « Monsieur, nous allons faire plusieurs examens (scanner, prise de sang, ophtalmo, une observation complète… ». Je lui ai répondu « ça prendra combien de temps docteur ? Vous pensez que je pourrais partir rapidement » et spontanément il me répond : « Monsieur, avec le symptôme que vous décrivez actuellement, vous ne pouvez pas quitter les lieux… » ; la tonalité était donnée !
Quelques heures plus tard, on m’annonce que je vais être transférer en neurologie. Je n’avais pas encore terminé la totalité de mes examens. Le scanner n’a rien montré ! Direction IRM d’urgence ; et là j’en garde un étrange souvenir : j’ai terminé l’imagerie, je suis sur le point de remonter dans ma chambre d’hôpital avec un infirmier, dans l’ascenseur le neurologue est présent et me dit avec un large sourire « bonne nouvelle, vous avez fait une petite thrombose » ! Sur le coup, je me suis dit que je devais certainement manquer de sens de l’humour. Une subtilité devait m’échapper… Il s’agissait visiblement d’une bonne nouvelle.
Avec ce cadeau inattendu, je gagne trois jours d’observation dans le service neurologique pour faire des examens complémentaires. Je vais résumer en disant « la totale » en passant par le grand classique : la ponction lombaire. À la fin de ce petit séjour, le neurologue me reçoit avant mon départ : « Monsieur, votre symptôme semble se résorber naturellement, ce n’est une thrombose ; mais plutôt une encéphalite ! (je me dis chouette, je vais ressortir d’ici avec des bagages médicaux assez pointus…) ; il me parle vaguement d’une maladie que l’on nomme sclérose en plaques, il n’entre pas dans les détails et lorsque je lis son rapport écrit, il stipule « SEP peu probable » ! Théoriquement à ce moment, je ne dois plus le revoir mais si quelque chose se manifeste, il pourrait y avoir des suites… La porte était ouverte la nécessité d’oublier cet épisode comme un sale cauchemar !
Je reprends ma vie de tous les jours, non pas dans le déni mais dans la facilité de l’oubli… Au fait, il s’agissait d’une quadranopsie homonyme gauche. Mon vocabulaire s’enrichissait encore ! Et un an presque jour pour jour, boum, une nouvelle manifestation étrange : picotements sur le visage, main engourdie… un jour plus tard j’avais le coin inférieur gauche de ma bouche paralysé. L’élocution était très pénible. Ma réaction : aller dans une autre clinique universitaire bien connue en Belgique. Un grand professeur y travaille dans le domaine de la sclérose en plaques.
Je repasse par la case urgence, je récite ma leçon de l’année précédente tout en exposant mes nouveautés. Résultat : 4 jours en observation ! Pour résumé : « la totale (bis) ». Ponction lombaire une fois de plus, IRM également ; mais ici, on ne parle plus de sclérose en plaques peu probable ! Au bout du 4ème jour, le professeur se présente à moi avec 4 ou 5 stagiaires, ferme le rideau qui me sépare de mon collègue de chambre ; me regarde avec une allure très professionnelle et avec beaucoup de tact il me dit : « Monsieur, c’est confirmé, vous avez une sclérose en plaques ; vous allez devoir très rapidement commencer un traitement, une infirmière vous expliquera dès demain… ». Et là je lui dis : « Docteur, j’arrive en période d’examens à l’université, ça ne pourrait pas attendre la fin de ma session ? » Il me répond avec un sourire aux lèvres : « Monsieur, les études sont totalement secondaires par rapport à ce qui vous arrive… ! ». La mélodie est bouclée !!!
5 jours plus tard, je commençais des injections d’interférons, 3x par semaine. Des effets secondaires, des doutes, des craintes, des cris, des pleurs, de l’euphorie, des interrogations… que se passe-t-il ?
…
Je vais accélérer un peu le récit : depuis ce jour, j’ai fait en moyenne une poussée par an. Névrite optique : nystagmus rotatoire ; perte de sensibilité dans différents membres, très grosse fatigue, trouble de l’équilibre, etc. Visiblement, je n’ai pas à me plaindre ! Après 12 ans d’injections, une récupération totale à chaque poussée (une bonne dizaine de cure de corticoïdes 1 gr) ; je suis toujours resté à la verticale et je dirais que mes plus gros dégâts ont été psychologiques ! J’ai senti une réelle métamorphose chez moi… j’ai dû moduler mon échelle de valeur, mes centres d’intérêts, mes idéaux, … J’ai terminé mes études, j’avais déjà en poche un graduat (terme belge de l’époque) en psychologie clinique et j’étais en licence universitaire en sciences de la famille, du couple et de la sexualité (j’ai même fait mon mémoire de fin d’étude sur la dimension psychologique chez les patients atteints d’une maladie dégénérative). J’ai toujours travaillé mais à cause de mes poussées et/ou des mes états dépressifs, je n’ai pas réussi encore à m’enraciner dans une carrière proprement dite. Je change souvent d’institution comme pour avoir le contrôle de tourner les pages de ma vie moi-même…
Mais je suis très heureux aujourd’hui ! Ma femme et moi, nous avons une fille de 3 ans et un petit garçon de 2 ans. C’est un réel bonheur ! Nous nous aimons et nous sommes le centre du monde… (Vous comprendrez). Nous travaillons tous les deux, sommes propriétaires et bien décidés à surpasser cette maladie… qui n’est qu’une goutte dans l’océan d’une vie (ça c’est la formule qui me sert à aller de l’avant). En juillet 2011, j’ai fait une nouvelle poussée : Ophtalmoplégie inter nucléaire (chouette encore un super mot pour le scrabble). J’ai tout récupéré en 3 semaines après une belle cure de corti. Mais surtout cette fois-ci, j’ai gardé le sourire et le moral ! Cette fois, c’est moi qui t’ai plaqué !!!
Je vous promets que j’ai essayé d’être synthétique. Merci de m’avoir lu. Je nous souhaite à tous beaucoup de courage et aussi un bon facteur chance !
PS : Depuis trois semaines, je ne suis plus sous injection, je prends du Gilenya® (fingolimod). Voie orale, un comprimé par jour. On attend un peu de recul pour juger mais cela semble prometteur ! Wait and see ;) »
Par Arnaud.
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