« Bonjour à toutes et à tous !
Je m'appelle Benoît, j'ai 39 ans (je suis né en 1979), je suis aujourd'hui instructeur de plongée, je vis en Thaïlande depuis presque 5 ans.
À force de lire vos témoignages, je me suis dis que c’était à mon tour de partager mon expérience ! Je vais essayer d'être exhaustif, si certains d'entre vous se reconnaissent et souhaitent interagir, revenez vers moi, sans aucun problème !
Reprenons les évènements depuis leurs débuts.
J'ai subi ma première poussée en 2003, alors que je finissais mes études d'ingénieur dans les Pyrénées-Atlantiques. La moitié de mon visage devient insensible en 3-4 jours ! Je suis donc allé chez un généraliste qui m'a fait passer un scanner et m’a precrit une cure de vitamines.
Étant donné que l'insensibilité était vraiment limitée à mon coté gauche, j'ai pensé à quelque chose de "mécanique". Je faisais beaucoup de snowboard à l'époque et j'ai pensé que mes cervicales avaient pu en pâtir et comme le scanner ne faisant rien apparaître de révélateur (bé tu m'étonnes, un scanner !!!), je suis allé voir mon ostéopathe. Il m'a manipulé et 100% de ma sensibilité était revenue sous 3 jours.
Les années se passent, sans souci majeur, uniquement des "soucis" légers que je mets sur le compte de la prise d'âge… Je me vois par exemple être très fatigué à la fin de mes randonnées en montagne, me forçant à en réduire la distance, de 15 km (!) à 12-13 km…
Je ressens également comme un fort afflux de sang dans les jambes quand je penche la tête en avant… je continue à mettre ça sur le compte des cervicales, et puis bon, ce n'est pas gênant après tout, ce n'est pas constant non plus, ça va et ça vient !
En juin 2009, nouveau symptôme.
Lors d'un mariage, je mets un certain temps à trouver les toilettes et commence à légèrement m'uriner dessus… Pour cette unique fois, je mets ça sur le coup de la bière et du rosé… Encore une fois, je botte en touche !
Début 2010.
Ce souci d'incontinence est maintenant plus récurrent et ne dépend pas d'une éventuelle consommation de boissons diurétiques… Je décide donc d'aller voir un autre généraliste. Je lui récapitule : le visage en 2003, les randonnées qui s'écourtent, les mictions impérieuses, de légers problèmes érectiles, la sensation d'afflux de sang dans les jambes...
Il me fait alors passer un Doppler pour écarter tout problème de circulation sanguine : le Doppler est normal. Il m'envoie faire une IRM cérébrale. À la lecture de l'IRM, il m'envoie chez un neurologue, sans rien me dire de plus.
Il m'a avoué par la suite que son propre père est lui-même atteint de sclérose en plaques : il ne lui a donc pas fallu plus de 2 minutes pour faire un diagnostic la première fois que nous nous sommes rencontrés, mais il est resté très cartésien dans sa démarche et ne s'est pas laissé aveugler par ses certitudes.
Après un long rendez-vous avec mon neurologue pendant lequel je partage mon analyse, mes sensations, mes rendez-vous chez l’ostéopathe, l’étiopathe…, il m'envoie passer une IRM médullaire...
Et le 20 Octobre 2010.
Avec ces 2 IRM, le diagnostic tombe…, je vous le mets dans le mille, je ne serais pas ici s’il s'agissait de la maladie de Lyme : il s'agissait bien entendu d'une magnifique sclérose en plaques !
Il m'envoie tout de même faire une ponction lombaire, pour assoir son diagnostic.
Me voici rassuré de savoir ce qui me tracasse (oui, une part de moi est rassurée), je connais la sclérose en plaques puisque deux cas sont présents dans ma famille, dont une personne âgée que j'ai toujours vue en fauteuil : je sais ce qu'il y a au bout de la route et ne panique pas. Je sais que cette maladie évolue plutôt lentement, j'arrive à m'attacher à l'instant présent, je décide de prendre un jour après l'autre, de ne pas m’inquiéter ou me rendre triste aujourd'hui pour ce qui m'arrivera dans plusieurs années…
L'évolution de ma sclérose en plaques est de ma propre responsabilité, J'AI du pouvoir sur elle, je ne la combats pas, elle est ma co-locatrice.
Mon neurologue me précise qu'il y a autant de cas de sclérose en plaques différents qu'il y a de patients, je garderai cette remarque comme un hymne tous les jours jusqu'à aujourd'hui.
Quelques semaines après mon diagnostic, je me plains d'une fatigue inhabituelle IMMENSE et de sensations de nausées lorsque je pivote la tête sur les côtés : voici la seule et unique poussée dont j'ai le souvenir ! Mon neuro m'envoie faire trois bolus de corticoïdes à la clinique. Comme je ne veux pas que ça empiète trop sur mon travail (je suis alors ingénieur dans l'industrie chimique), je les fais donc le matin à 6h30 avant d’aller travailler. Je préviens mon manager qu'on m'a diagnostiqué une "maladie grave non mortelle qui risque de m'obliger à prendre une demi-journée de temps en temps pour traitement/analyses". Je vais également voir la médecine du travail pour lui donner le diagnostic complet.
Après un rendez-vous au CHU de Bordeaux avec le Pr Brochet, référent régional de la sclérose en plaques en Aquitaine, mon neurologue reçoit l'accord de me mettre sous Avonex® alors qu'il aurait espéré le Tysabri®. Je suis prévenu de ses effets secondaires : états grippaux et dépressifs notamment.
Là, scientifique comme je suis, j'ai besoin de "m'étalonner" face au produit, de savoir à quel point ses effets secondaires sont forts. Du coup, lors de ma première injection (autour de 19h), je ne prends pas de paracétamol… et quand, à 1 heure du matin, je n'arrive plus à contrôler mes tremblements et que j'ai dû perdre 2 litres de sueur, je me résigne à prendre du paracétamol… L'interféron et moi venons de faire connaissance ! Dont acte.
Je prends le traitement convenablement, me forme à l'utilisation du propulseur, ne déplore pas de syndromes dépressifs (ma compagne de l'époque m'est d'une aide morale formidable) mais les états grippaux des lendemains d'injections sont très pénibles, malgré le paracétamol.
Le temps continue à s'écouler, sans poussée à déplorer, juste une lente, légère et constante dégradation de mon état de "forme".
À l'automne 2012.
Mon amie et moi nous expatrions en Australie, j'y reçois par la poste mes injections d'Avonex®, je continue à me l'injecter malgré la rupture de la chaîne du froid (mon neurologue ne s'y était pas opposé) MAIS mon amie et moi, nous nous séparons ! Le choc émotionnel de cette séparation fait naître les effets secondaires dépressifs de l'interféron puisque 6 mois après, je ne sors toujours pas la tête de l'eau. Mon amie me conseille donc de suspendre mon traitement en me rappelant les mises en garde de mon neurologue : j'arrête donc mes injections* et un mois après, mes idées sont de nouveau en place.
En mai 2013.
Je pars d'Australie et décide de changer de vie une bonne fois pour toutes : c'est aujourd'hui que je DOIS vivre ma vie, je dois donc exercer une activité qui nourrisse mon âme et me rende heureux, qui me permette de faire ce que j'aime, de voyager, de rencontrer des gens… je ne veux plus exercer un métier alimentaire, j'ai autre chose à faire de ma vie !
Je fais donc le nécessaire pour, en 6 mois, devenir instructeur de plongée, en me promettant de vivre chaque jour à fond, sans penser à demain. En me disant que si jamais un jour ça "coince", je pourrai regarder derrière moi en n'ayant aucun regret.
Je pars donc vers la Thaïlande en février 2014 pour travailler comme instructeur de plongée. Ma sclérose en plaques n'est alors absolument pas handicapante pour cette activité, je connais maintenant mon corps, je sais que je dois surveiller mon hydratation, mes apports énergétiques et mon sommeil.
Aujourd'hui.
Je viens de "célébrer" mes 8 ans de diagnostic, je n'ai à déplorer quasiment chacun des symptômes liés à la sclérose en plaques sauf les yeux et la spasticité, à des niveaux plus ou moins importants :
- Je n'ai pas à me plaindre de mes yeux, en dehors d'un léger voile les jours de grosse chaleur.
- Mon rayon de marche "confortable" se situe autour de 2 kilomètres mais j'ai la chance de circuler en scooter.
- J'ai besoin d'uriner très souvent mais j'habite sur une petite île, il est facile de s'arrêter sur l'accotement, et je passe le plus clair de mon temps dans l'eau, (à ce propos, je RÉALISE la chance que j'ai d'être un homme ;-) !!! Je vous adresse toute ma compassion mesdames).
- Je garde dans mes toilettes une boîte de gants latex au cas où la constipation devienne vraiment trop gênante…
- Je traite mes symptômes érectiles avec du citrate de sildénafil, pour ne pas citer la marque de cette formidable pilule bleue ni ses génériques.
- Par manque de force et pour éviter d'avoir les jambes en coton, j'évite de porter des charges lourdes.
- Je n'ai à souffrir d'aucune spasticité !!! Est-ce dû au fait que je fume du cannabis* depuis presque 20 ans ??? Le Sativex® (spray buccal à base d'extraits de cannabis) n'étant pas disponible en France, vous pourrez répondre à cette question quand nos autorités cesseront leur dogmatisme et que la loi évoluera.
- Il m'arrive de chercher mes mots, d'oublier certaines choses, j'essaie d'être le plus organisé possible en utilisant des pense-bêtes…
- Il m'arrive souvent d'avoir des sautes d'humeur, le monde me semble parfois s'écrouler, suite à la moindre contrariété mais je vis parfois des moments de pleine euphorie, j'ai tendance à être déprimé aussi, mais je le vis pleinement, pour mieux refaire surface.
Chacun de ces symptômes s'est aggravé au fil des années, et des IRM réalisées en septembre 2017 m'ont permis de faire un bilan : la médullaire est identique à la dernière de 2010 et sur la cérébrale, par rapport à 2013, de nouvelles marques sont apparues, une autre a disparu (?) et de la matière cérébrale a également disparu.
Je ne suis plus de traitement pharmacologique*, par ailleurs je fume du cannabis** quotidiennement ainsi que du CBD (cannabinoïde présent dans le cannabis) sous forme de e-cigarette, je prends le soleil et ainsi de la vitamine C, je consomme du curcuma tous les matins, jefais ce que j'aime, j'évite les situations conflictuelles et je me crée des situations qui potentiellement me rendent heureux. Enfin, je pratique la méditation en pleine conscience. Ce sont mes petites recettes de sorcier, ce sont les miennes, et je suis bien avec.
Je sais aussi que j'ai la chance de jouir d'une certaine liberté, n'ayant pas de dettes, de femme ni d'enfant.
Je vous remercie de m'avoir lu jusqu'ici, à très bientôt ! »
Par Benoît.
* Note de l’Association : N’arrêtez pas votre traitement sans l’avis de votre neurologue.
** Note de l’Association : Fumer du cannabis est interdit en France et dangereux pour la santé.
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