La sclérose en plaques,
c'est vous qui en parlez le mieux.
Le 29 août 2015

La sclérose en plaques, par Bernard.

« Le soir et week-end
étaient faits pour se reposer
tant j'étais harassé. »

« Bonjour,

Je vis avec la sclérose en plaques depuis 1984 (névrite optique suite à un zona), décelée en mars 1987 à 29 ans.
J'ai voulu vivre dans le déni pendant 20 ans. Les médecins ne disaient rien à l'époque, ils nous faisaient passer des scanners, subir des ponctions lombaires, des potentiels évoqués… sans aucune explication. Je me suis fâché quand en 1987, ils m'ont sanglé dans un gyroscope alors que je dégueulais tant les vertiges étaient continuels.

Je suis resté quand même pour un bolus de corticoïdes, puis j’ai entamé un traitement immunosuppresseur à la maison que j'ai rapidement abandonné tant ma composition sanguine avait changé. Je suis retourné aux urgences plusieurs fois car bien que je me doutasse du diagnostic, rien ne m'était officiellement annoncé hormis : « syndrome inflammatoire neurologique », mais les poussées se poursuivaient.

En 88, on m'a envoyé un courrier de l'hôpital neuro de Lyon pour être cobaye des interferons. Alors j'ai tenté de prendre seul ma destinée en main.
Je ne pouvais plus marcher qu'appuyé sur l'épaule de ma femme, ne pouvais plus manger sans vomir, avait des vertiges continuels, des paralysies de membres, était alternativement sourd et aveugle d'un oeil, et j'ai dit STOP.

Je me suis mis à bouger, puis à trottiner en boitant, puis à courir. J'ai repris un travail de formateur, puis d'ingénieur.
J'ai gagné ce combat physique millimètre par millimètre, avec rechutes, déprimes, disputes avec femme et enfants à qui j'ai caché mon état, mais qui ne devaient pas faire de bruit quand je me reposais.

Quand j'avais des poussées, je pouvais les cacher à mon employeur en échangeant des semaines de formation, et les plus grosses étaient combattues par corticoïdes oraux que me prescrivait un médecin de campagne où j'avais été muté, et qui essayait de me convaincre (me menaçait plutôt) de retourner à l'hôpital neuro de Lyon.
Je pense que ça aurait pu durer, mais j'ai commencé à avoir des remontrances sur mon travail. Des délais étaient emplafonnés alors que je ne me souvenais pas devoir rendre une étude à une date précise, des discussions impromptues sur un argumentaire que j'avais fourni à la direction me laissaient dans le désarroi car je ne savais plus comment j'avais développé cet argumentaire, quand je me rappelais l'avoir fait !
Comme j'avais recouvert mon état d'une couverture étanche, je ne savais bien sûr pas que cette putain de maladie s'en prend insidieusement aux facultés cognitives.

Et si un combat est à mener, c'est bien celui-là. Car, malgré que les médecins refusaient de me dire le diagnostic, plusieurs nous avaient "gentiment" 
prévenus : « dans dix ans, il faut vous préparer à utiliser un fauteuil ». 
Ils ne voyaient que l'aspect physique, et c'est en octobre 2005 que j'ai décidé de retourner voir le neuro pour un diagnostic de mes difficultés attentionnelles, de mémoire, et même de raisonnement. J'ai eu peur d'être accusé de faute professionnelle, tant je déconnais parfois.
L'IRM a bien sûr décelé les lésions sous-corticales et péri-ventriculaires, et j'ai engagé des tests neuropsy pour déterminer le degré de dégradation de mes facultés supérieures. J'ai été reconnu "travailleur handicapé", ce qui me protège vis-à-vis de mon employeur. Mais tout n'est pas encore gagné et je négocie un aménagement de poste, ce qui explique ma discrétion sur mon nom

Donc, il faut que les malades sachent cette chose : on peut combattre, colmater des brêches, mais il ne faut pas enfouir la tête dans le sable comme je l'ai fait.

Par exemple, j'étais lecteur assidu, et du jour au lendemain, j'ai abandonné complètement cette activité. Je me disais: c'est ta fatigue oculaire, alors que la première gêne était amnésique: j'étais obligé de revenir toujours quelques pages en amont pour resituer lieux, personnages. Si bien que je suis passé d'un à deux bouquins par semaine à 5 livres complets en 20 ans.

Aujourd'hui, au travail, pour apprendre de nouveaux concepts, il me faut un temps fou, je n'imprime quasiment plus rien de nouveau dans le temps.
Autre exemple : quand j'étais obligé de me lever à 3h du matin pour apprendre des cours que je devais dispenser le jour même, et que j'avais enseigné quelques semaines auparavant. Je me disais bien que c'était anormal pour un mec qui avait été major de sa promo. Mais quand le déni est très fort, tu sais trouver des petits arrangements et subterfuges qui marchent quelque temps, mais au prix d'efforts incroyables, au détriment de toute vie sociale car pour moi, je devais assurer les études des enfants, et pour ça, progresser dans l'entreprise. Je n'ai vécu que pour cet objectif durant 20 ans, et tout était orienté vers ça: le sport était thérapeutique avant d'être un plaisir, le soir et week-end étaient faits pour se reposer tant j'étais harassé, et non pas pour visiter des amis et partager avec mes enfants…

Alors je suis en train d'oser dire : ça suffit ! Si je ne suis pas en fauteuil roulant, c'est sans doute parce que j'ai combattu comme un lion, mais aussi comme un con pour l'aspect intellectuel. Il ne me reste peut-être plus trop de temps pour penser à moi et ma femme qui m'a toujours soutenu. Et pour transmettre cet aspect de la maladie pour que d'autres ne se fassent pas piéger, malgré tout ce qu'Internet peut nous apporter comme infos. »

Par Bernard.

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Rediffusion du 25/11/2007.

2 commentaires
29/08/2018 à 17:37 par aurelie
j'ai fait comme toi tellement nie que je suis en procedure de divorce et lutte pr reprendre ma place au travail...

29/08/2018 à 12:47 par chantal
merci beaucoup de votre témoignage une pièce de mon puzzle vient d’être rajouter, vous avez courage exemplaire

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