« Bonjour,
J’ai découvert votre site il y a quelques temps et, après quelques hésitations, c’est bien volontiers que je veux apporter mon modeste témoignage sur mon parcours de « vieux » sépien.
J’ai 54 ans et voilà déjà 26 ans que je partage ma vie avec la sclérose en plaques, cette fidèle compagne ! Enfin, dois-je la qualifier de trop ou de très fidèle car, elle, elle ne m’a pas laissé sur le bord du chemin !
Cela a commencé en été 82 lorsque je fus atteint d’une névrite optique à l’œil gauche. Une simple visite chez l’ophtalmo et une ou deux injections de cortisone plus tard les symptômes avaient disparus presque aussi vite qu’ils s’étaient manifestés. L’année suivante, cette névrite récidiva et, de plus, quelques mois plus tard je me surpris à devoir marcher au bras de mon épouse tant je « titubais » comme une personne complètement ivre. Là encore, quelques injections de cortisone et, hop, en quinze jours tout était réglé. S’ensuivirent des épisodes de fourmillements dans le bras droit, des décharges électriques dans les épaules et les bras lorsque je baissais la tête (le fameux Lhermitte !), des manques de sensibilité sur le côté droit de la face… ainsi, sans le savoir (ni les médecins, ni moi) sournoisement, incognito mais avec pugnacité et ténacité la bête prenait ses quartiers avant d’éclater au grand jour le moment opportun !…
Il faut dire qu’à cette époque, et contrairement à aujourd’hui, lorsqu’ils se trouvaient en présence d’un tableau clinique de symptômes de ce type, les médecins n’avaient pas le réflexe de soupçonner une quelconque neuropathie et moins encore une sclérose en plaques ! certes, c’était au siècle dernier… mais, pour autant, il n’y a de cela que trente ans à peine !
Et cela, jusqu’au début de l’année 1985 où, suite à d’importants problèmes conjugaux, je fus frappé d’une hémiplégie à droite qui justifia mon hospitalisation au CHU neuro-cardio de Lyon. Après une ponction lombaire, un PEV. et un EMG., le diagnostic fut posé : une sclérose en plaques. Posé, mais pas révélé car le médecin a fait le choix de me cacher (temporairement) la vérité, estimant que mon état dépressif, consécutif à mes déboires conjugaux, ne me permettrait pas de supporter ce choc supplémentaire. Et là, je dois dire bravo pour cette formidable approche psychologique. C’est en décembre 85, étant en grande partie rétabli dans ma tête et dans mon corps, que je fus confronté à la réalité par mon généraliste ! le ciel m’est alors tombé sur la tête, mon horizon s’est soudain bouché : à l’aube de ma vie, à un moment où on se sent capable de partir à l’assaut du monde, je me voyais soudain et déjà dans un fauteuil roulant incapable, notamment, de voir grandir et de participer à l’éducation ma petite fille âgée de deux ans…
Mais à part une certaine fatigabilité et une grande sensibilité à la chaleur et au froid, la maladie se fit discrète durant dix années durant lesquelles je me suis jeté à corps perdu dans mon travail ; ayant divorcé entre temps et vivant désormais seul…
Puis, la maladie se manifesta à nouveau à partir de 1996 en restreignant, au fil des mois et des années, mon périmètre d’activités : marche assistée d’une prothèse à la jambe droite (1997), puis d’une canne (1998), puis de deux (2001) pour enfin me déplacer à l’aide d’un scooter électrique (2005) et ce, jusqu’à quand ?… une paralysie spastique s’installant chaque jour davantage. Et je ne fais pas état, bien sûr, de tous ces petits « trucs » qui font partie de notre quotidien à nous, les sépiens : grande fatigabilité, mictions impérieuses, spasticité douloureuse durant le jour et la nuit, troubles de la vision, troubles du sommeil et troubles de la déglutition, pertes d’équilibre, déformation du pied droit et de la jambe droite, chaussures orthopédiques, et… et la tête, et la tête ? ben, de ce côté là, ça va encore pas trop mal, merci !…
Au plan professionnel, je reconnais que mon employeur (une mairie), informé dès le début de ma maladie, m’a soutenu tant sur le plan moral que technique dans l’accomplissement de mes fonctions en adaptant notamment mes conditions de travail (ainsi, depuis 2005, j’accède directement à mon bureau avec mon scooter) et en faisant progresser normalement ma carrière puisque depuis 1992 je suis responsable d’un service qui, à ce jour, compte douze agents.
À ce propos, je dois avouer que durant toutes ces années, le travail fut pour moi une véritable thérapie. Cette activité professionnelle, parfois très lourde et vecteur de stress, voire de contrariétés, propice à l’évolution de la maladie, me permit d’exister, de rester au sein de la société et d’y être encore utile. Finalement, je suis convaincu que le bilan de toutes ces années reste avant tout positif.
Néanmoins, après 37 ans de service, 2009 sera pour moi l’année de ma cessation d’activité. Il y a un temps pour tout : aujourd’hui, je veux profiter de ces quelques années qui me restent à pouvoir sortir de chez moi et vivre sans trop de contraintes…
Quant à ma vie privée (de tout ?), celle-ci s’est petit à petit adaptée aux circonstances. Même si mes déplacements se limitent aux seuls lieux accessibles de plain-pied, je bénéficie, grâce à mon scooter, d’une grande autonomie dans mes actes de la vie quotidienne : faire des courses, me rendre à mon travail, sortir boire un café en ville… A la maison, grâce à quelques petits aménagements et à l’intervention d’une aide ménagère (3 heures par semaine), je peux vivre seul… avec un certain nombre de difficultés, certes, mais en toute autonomie.
La nécessité d’un lit médical et d’un siège de repos à positions modulables réduisent également toutes mes possibilités de voyage et hypothèquent le moindre séjour en famille ou chez des amis et, d’une manière générale, chaque sortie doit être prévue suffisamment à l’avance afin que je puisse me préparer en dehors de toute précipitation, source de stress et de fatigue aussi inutiles que néfastes.
De même, au-delà de toute considération médicale, j’ai proscrit tout abus de café ou de toute autre boisson afin de gérer au mieux d’éventuels problèmes d’incontinence et pour éviter de devoir m’adonner au sport favori des "sépiens" : repérage obligatoire et immédiat des toilettes situées dans un lieu inconnu.
Quant à mon protocole médical, après une corticothérapie de quinze années, je me cantonne aujourd’hui à des antispastiques (Liorésal®, Dantrium®) et à des produits qui combattent les dommages collatéraux de cette fichue maladie ; les effets secondaires d’Avonex® ou de Copaxone® étant incompatibles avec la forme secondairement progressive de « ma » sclérose en plaques.
À part cela, j’effectue régulièrement des séjours dans un centre médical spécialisé dans le traitement de la sclérose en plaques. Germaine Revel, près de Lyon, pour ceux qui connaissent.
À ce propos, ces séjours m’ont appris à ne pas m’appesantir sur mon sort, à prendre beaucoup de recul par rapport à cette maladie et à relativiser les choses dès lors que j’y ai souvent rencontrer des malades très lourdement handicapés et souvent plus jeunes que moi ou malades depuis moins longtemps que moi : ce fut à chaque fois une sacrée leçon de vie et d’humilité mais aussi une motivation supplémentaire pour se battre et ne pas baisser les bras.
Voilà, ainsi que je le disais plus haut, j’ai appris à vivre avec cette « fidèle » compagne qui m’a aussi ouvert à la vie et aux autres. Qui m’a appris à privilégier les vrais bons moments de la vie à la vanité des choses, à distinguer les vrais amis des faux, à donner la priorité aux choses et aux événements qui en valent véritablement le coup pour évacuer tout ce qui peut encombrer inutilement l’esprit.
S’il y a vraiment un côté positif en toute chose, alors, cette foutue maladie m’aura au moins apporté cette précieuse philosophie de la vie.
Courage à tous : la vie vaut malgré tout le coup d’être vécue. »
Par Denis.
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Anick