Bonjour,
MALADIE/S.
2011, j'ai 42 ans lorsqu'on m'annonce que j'ai une sclérose en plaques, ce diagnostic fait suite à 2 poussées importantes.
Je ne connais de cette maladie que le nom.
Ça fait maintenant 10 ans que je vis avec.
Lorsque je déclare cette sclérose en plaques, cela fait déjà 12 ans que j'ai une discopathie dégénérative (usure des disques intervertébraux) qui m'empêche de vivre normalement (depuis l'âge de mes 30 ans).
Et une fibromyalgie secondaire, probablement due aux douleurs continues provoquées par la discopathie (lumbago, sciatique, cruralgie, tendinite...).
Je ne travaille plus. Je suis en invalidité.
Compliqué de cumuler 3 maladies dont les manifestations ou douleurs peuvent s'entremêler.
J'ai des douleurs invalidantes jour et nuit. Je marche le plus souvent avec des béquilles et j'utilise occasionnellement un fauteuil roulant dans certaines situations (musées, visites de grandes villes…). Depuis 2 ans mon état général s'est dégradé, mon organisme ne supporte plus le moindre effort, même les séances chez le kiné m'épuisent.
Ma vie de « patient » est rythmée par 3 séances de kiné par semaine, les séjours de rééducation en hôpital de jour, le suivi par une cellule antidouleurs…
VIE DE COUPLE ET DE FAMILLE.
J'ai 2 filles qui ont 17 et 14 ans (7 ans et 4 ans lorsque je déclare la sclérose en plaques).
2018, j'ai 50 ans lorsque ma femme demande le divorce, suite à 20 ans de vie commune. Le monde s'écroule. C'est un drame.
Depuis je vis seul, avec mes deux filles la moitié du temps (garde alternée).
AVANT LA SÉPARATION, la vie était tellement plus facile.
Avec ma femme nous étions très complices et fusionnels. Nous partagions beaucoup de choses ensemble.
Nos amis nous considéraient comme un couple idéal.
Mais la Vie a parfois pour nous des projets qu'il nous est impossible d'entrevoir, tellement ils sont loin de la conception que l'on a de l'existence, du couple. Le divorce faisait partie de ces choses qui étaient pour moi véritablement "inimaginables".
Je suis alors tombé de trop haut.
Cela m'a anéanti.
Lorsqu'il y a une maladie grave dans un foyer, c'est toute la famille qui est prise en otage.
Comment peut-on en arriver à reprocher à l'être que vous aimiez, et avec qui vous avez partagé 20 ans de votre vie, d'être malade, de lui en vouloir même d'être malade ?
Même si je sais que, lorsqu'il y a une maladie comme la sclérose en plaques dans un foyer, c'est toute la famille qui est malade, et que la place du conjoint du malade est terrible, car il se sent souvent impuissant et malheureux de voir son partenaire décliner et de ne rien pouvoir faire pour diminuer ses souffrances, il y a des mots qui ne peuvent être dits, des limites qui ne devraient pas être dépassées.
La personne qui était tout pour vous, à qui vous aviez donné votre vie, comment est-il possible qu'elle vous "abandonne" en vous disant qu'elle "ne supporte plus que vous soyez malade, et qu'on n'a qu'une vie et qu'elle veut profiter de la sienne".
Cela est peut-être significatif de la souffrance que le conjoint d'une personne malade peut endurer, mais cela n'excuse pas tout. Il y a des mots qui ne peuvent être dits, des mots qui, lorsqu'ils sont dits par la personne qui était "votre moitié", sont encore plus terribles, des mots qui blessent pour toute une vie.
APRÈS LA SÉPARATION, se reconstruire.
Alors comment se relève-t-on après une telle destruction, un tel anéantissement ?
Du jour au lendemain, vous n'êtes plus rien, le monde s'écroule. Tout ce que vous preniez pour "acquis", vous file entre les doigts. Tout est broyé.
Il faut alors du temps pour panser ses blessures. Du temps pour se relever. Du temps pour, à nouveau, vouloir vivre. Alors vient l'absolue nécessité du sens, de redonner du sens aux heures qui passent, du sens aux journées qui n'en finissent pas, du sens aux semaines qui prennent des allures d'éternité…
Beaucoup de temps passé avant de pouvoir redonner du sens à sa propre vie, car cela est difficile, épuisant. Les peurs, les doutes, les échecs parsèment le chemin. Il faut s'en cesse remettre l'ouvrage sur le métier à chaque fois que vous retombez, à chaque fois que la maladie fait des siennes. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Se battre toujours et encore, rien n'est jamais acquis.
C'est la recherche de sens qui m'a permis de tenir et de me relever. C'est vrai que c'est éprouvant, mais il faut lutter, il faut se battre.
Et plus les victoires s'accumulent, plus il se met en place un fonctionnement qui permet de faire fasse lorsque vous essuyez une nouvelle tempête.
Mais c'est vrai que la vie reste un combat de chaque instant, de chaque seconde. Les douleurs, les limites imposées par la maladie rendent tout tellement plus compliqué.
Ce sont mes filles qui m'ont permis de véritablement survivre, de ne pas faire une bêtise. C'est pour elles, mais aussi grâce à elles, que je me suis battu, que j'ai pu me relever.
C'est primordial de pouvoir puiser en quelqu'un la force de se battre.
Mais la vie n'est pas facile.
Sans travail, une vie sociale très réduite, sans vie de couple et de famille : vous n'êtes plus grand chose aux yeux de la société.
Il faut alors se battre pour continuer d'avoir une "existence" sociale.
On vous octroie celle de "malade" ou de "personne en situation d'invalidité", mais cela ne peut définir l'existence d'un individu, c'est réducteur et dévalorisant.
NE PLUS POUVOIR COMPTER QUE SUR SOI.
La solitude, c'est ne plus pouvoir porter dans son cœur et dans ses pensées cette personne qui illumine vos journées, votre vie. Cette personne pour qui vous avez des sentiments, cette personne qui vous porte elle aussi dans ses pensées, cette personne qui vous donne la force de vous dépasser.
Seul, vous ne pouvez plus recevoir cette alchimie de l'amour qui permet à l'organisme de lutter contre la douleur.
À deux, vous pouvez partager, vous soutenir, compter l'un sur l'autre. À deux vous êtes plus fort.
Les dernières années avant le divorce, nous avions fait le choix de "profiter" de la vie, ne sachant pas comment allait évoluer ma maladie, ma mobilité, en faisant quelques voyages à l'étranger.
Aujourd'hui, tout cela ne m'est plus possible, tout cela garde un goût amer.
Mon état s'est dégradé depuis 2 ans, depuis que ma femme a demandé le divorce. Devoir faire face aux obligations du quotidien (courses, repas, enfants, transports, devoirs, vacances, sorties…) me demande plus de force et d'énergie que je n'en ai. Mais j'essaie de m'adapter, je fais en fonction de mon état, et les semaines où mes filles sont avec moi, elles m'aident pour les courses, les repas.
Mais tout cela demande des efforts surhumains.
EXISTER DIFFÉREMMENT.
Personnellement je ne fais pas mien le discours qui consiste à dire que la maladie a été une chance dans ma vie. Mais il appartient à chacun la façon de redonner du sens à cette nouvelle vie qui s'impose à vous.
Je dirais plutôt qu'il faut réinventer sa vie, en s'adaptant et en donnant un nouveau départ à cette nouvelle vie qui commence. Pouvoir faire le deuil de certaines choses, et tirer profit des "richesses" sur lesquelles on peut s'appuyer.
Soit on s'acharne à vouloir s'accrocher à ce que la maladie nous a volé, en vivant alors de regrets et de frustrations, soit on fait avec ce qui nous reste en en tirant profit et on vit davantage dans quelque chose de choisi, quelque chose de positif.
J'ai la chance d'avoir deux filles vraiment extraordinaires, elles sont très intentionnées et compréhensives. Elles sont mon énergie, elles sont mes rayons de soleil.
J'ai aussi la chance d'avoir toujours dessiné et peint. C'est une véritable drogue, une occupation quotidienne, un exutoire.
Tout plein de bonnes pensées, et surtout du courage à chacune et chacun… »
Par Dominique.
*Légende photo : « C’est une peinture de "tête" que j'ai réalisée.
C'est un "travail" en lien avec ma maladie, mes douleurs. Cette peinture s'inscrit dans un ensemble de têtes, peut-être 400 à ce jour.
Ce n'est pas un travail d'autoportrait qui chercherait la ressemblance, mais davantage une tête qui porterait pour moi une part de la souffrance que l'on garde pour soi lorsque l'on est avec d'autres personnes. C'est pour moi une véritable thérapie. »
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