« Bonjour,
Je me présente, Sylvie, 46 ans, mariée, 2 enfants.
Il y a des jours qui restent marqués dans votre vie et que vous ne pouvez oublier…
Le mardi 18 décembre 1997 en début d’après-midi, je suis prise d’engourdissements qui commencent par les pieds et qui montent jusqu’à la taille. Une impression d’être assise sur un coussin et de marcher sur des œufs. La veille, j’avais eu une douleur en bas du dos. Je fais donc le rapport et me dit que j’ai dû me coincer quelque chose qui entraine ces engourdissements.
Je consulte le soir même ma généraliste. Là, aucune réponse à mon problème.
Mais les engourdissements se propagent à tout le corps. Le vendredi de la même semaine, je me retrouve à ne plus pouvoir écrire, à marcher avec difficulté. J’ai l’impression d’avoir un corset au niveau du corps, d’avoir des cuisses tétanisées par l’effort musculaire, d’avoir des grosses chaussettes qui me serrent le bas des jambes et d’avoir des moufles aux mains.
Je retourne évidement voir ma généraliste, qui ne peut toujours rien pour moi. Elle me dit : « j’ai l’impression que vous déprimez !!??!! ». Comment ne peut-on pas déprimer devant un corps qui s’engourdit de jour en jour !!! Elle m’envoie aux urgences de la clinique proche de chez moi.
Là, de nouveau on ne peut rien pour moi et on m’envoie voir un spécialiste.
Durant 3 semaines, je passe de médecin en médecin. Je finis par avoir mon armoire à pharmacie pleine de médicaments et de vitamines complètement inutiles.
Malgré mes problèmes de motricité et mon incapacité à écrire, AUCUN médecin ne me met en arrêt de travail (je ne sais pas comment font les personnes qui ont un simple rhume pour avoir un arrêt de travail !?!). Pendant tout ce temps, mes engourdissements se sont amplifiés. Contrôler ma marche et mes gestes est de plus en plus difficile. J’ai perdu de la force. Mon fils de 7 ans doit ouvrir le lave-vaisselle à ma place. J’ai l’impression d’avoir deux gants de boxe à la place des mains. Je suis incapable de saisir des petites choses.
À force d’insister auprès de ma généraliste, elle me dit que je dois être malade des petits nerfs (je n’ai toujours pas compris ce qu’elle sous entendait) et elle m’envoie à l’hôpital Lariboisière à Paris.
Le mercredi 10 décembre 1997, j’ai donc rendez-vous avec une neurologue. Après examen, elle me dit : « je vous hospitalise pour examens complémentaires ». Un soulagement m’envahit, enfin quelqu’un qui m’a entendu ! Je ne suis pas une malade imaginaire !!!
Le 11 décembre 1997, je suis donc hospitalisée à l’Hôpital Lariboisière et enfin prise en main.
Je passe tout les examens nécessaires : IRM, ponction lombaire, prises de sang, tous les tests de la vision, test des réactions nerveuses avec des aiguilles, etc…
Ce qui m’a le plus marqué lors de ces examens, c’est lors d’un test clinique : je ferme les yeux, un objet est placé dans ma main et je dois le reconnaître. J’identifie un morceau de plastique sans forme. J’ouvre les yeux et je découvre au creux de ma main une pièce de cinquante centimes…
Je reste 7 jours hospitalisée où on me fait 5 perfusions de corticoïdes. Ma sortie est suivie d’un mois d’arrêt de travail. Mais je ne sais toujours pas ce que j’ai !!??!!
Je vis dans un corps que je ne contrôle plus. La déprime s’installe mais je refuse tout aide médicamenteuse pour ne pas entrer dans un cercle sans fin.
Le soutien de mes proches m’aide.
M’habiller est difficile, je dois porter des chaussures à lacets pour ne pas les perdre sans que je m’en aperçoive, je sens vaguement le savon et l’eau sur mon corps. (Je pense que j’ai du faire une consommation impressionnante de savons à cette période.) Le touché d’objets, de tissus, de peau est très désagréable pour moi. Les choses les plus douces sont pour moi très rugueuses comme des tampons abrasifs.
La lumière de l’espoir se rallume quand au bout de 3 semaines, mes pieds ressentent la douceur du parquet de ma chambre. (J’ai du faire trois fois le tour de ma chambre pour savourer ce moment.)
Je reprends le travail à temps complet. Je refais une poussée en mars 1998 avec les mêmes symptômes mais moins amplifiés. Je suis hospitalisée en hôpital de jour.
Décembre 1998, ma neurologue de l’hôpital Lariboisière m’annonce le diagnostic : une sclérose en plaques.
Un an sans savoir ce que j’avais ! C’est comme une délivrance, je sais enfin contre quoi je vais me battre !
On m’envoie à l’hôpital Tenon où là j’ai la chance d’être prise charge par le Docteur Heinzelf.
Il me mettra sous interféron pendant 6 ans. D’abord Avonex® et ensuite Rebif®44.
Après avoir repris possession de mon corps, je revis.
Je vis avec la sclérose en plaques que je refuse et je me bats pour « l’éloigner » de moi.
J’ai durant ces années, des poussées plus ou moins fortes et je fais des stages en hôpital.
Ce n’est seulement que quand ils sont ados que j’informe mes enfants de ma maladie.
Je ne voulais pas que mes fils aient l’image d’une mère malade et qu’à l’école ils soient pris en pitié. Du coup, j’ai fait plus de choses qu’une mère normale. Je fais 2 fois plus de sports (musculation et VTT), je passe mon permis moto. Je m’implique en tant que dirigeante au sein de leur club de vélo où ils sont licenciés. Je passe mes brevets fédéraux de cyclisme jusqu’au niveau d’entraineur.
Cela implique une pratique du vélo et que je sois avec eux sur le vélo pendant les entrainements hivernaux.
J’apprends à me dépasser physiquement pour repousser la sclérose en plaques.
J’ai une vie professionnelle normale avec une évolution.
Un samedi matin du 9 juillet 2005, je me réveille une première fois puis me rendors. Mon mari ayant préparé le petit déjeuner, je me lève enfin mais avec une impression bizarre à l’œil gauche. Etant en été, je pense être piquée par un insecte à la paupière. Je me précipite dans la salle de bains pour me regarder dans le miroir. À ma grande surprise rien de visible. Instinctivement, je me cache l’œil droit. Et là, stupeur, tout est noir… Je ne vois plus rien de l’œil gauche.
Je descends déjeuner avec mon mari et le plus jeune de mes fils.
Je ne sais pas comment leur dire… Je déjeune comme si de rien n’était… Mais je finis par craquer.
Mon mari est plus paniqué que moi.
Je vais voir mon ophtalmo qui m’envoie aux urgences de l’hôpital des quinze vingt.
Je suis hospitalisée immédiatement pour examens ophtalmologiques approfondis et IRM.
Diagnostic : Névrite optique. Je reste 6 jours pour un traitement par corticoïdes et arrêtée deux mois.
Mais je ne retrouve pas la vision de mon œil. Je reste cloitrée chez moi à l’abri de la lumière que je ne supporte pas. Au bout d’un mois, je sors pour réapprendre à marcher dans la rue, dans les lieux publics. Réapprendre à me situer par rapport aux gens et à l’environnement.
Au début, je rase les murs pour prendre des repères. Je réapprends progressivement à conduire ma voiture, puis ma moto.
Ma vision ne revient pas. En septembre, je passe des examens complémentaires.
Octobre 2005, on découvre que j’ai développé un anticorps inconnu qui attaque le nerf optique. Le docteur Heinzlef tentera différents traitements pour essayer de « chasser » cet anticorps. Il enverra même mon dossier de l’autre coté de l’atlantique pour avoir un avis médical et peut être une solution.
5 décembre 2005, on a arrête l’interféron.
Le 2 Janvier 2006, je fais une névrite optique de l’œil droit. Pendant un mois, je deviens malvoyante. Les corticoïdes auront raison de la névrite optique de l’œil droit.
Mon neurologue me prescrit une chimiothérapie qui durera 2 ans.
Mars 2007, les examens montrent que l’anticorps été « délogé ». Mais hélas, il a fait des dégâts irréparables sur le nerf optique.
Je suivrais une rééducation des yeux. Je suis devenue imbattable pour loucher sur demande !!!
Entre temps, j’ai repris mon travail fin septembre 2005 à mi-temps thérapeutique.
Au bout de 2 ans et demi, la sécu me met en invalidité niveau 1 et le travail à mi-temps est imposé.
Professionnellement, je suis mise sur la touche. Dans le monde du travail, l’évolution n’est pas permise aux personnes travaillant à mi-temps…
Je me bats et je ne prends pas cela comme une fatalité mais comme une opportunité sur d’autres portes qui s’ouvrent. Je me lance via internet dans le domaine artistique, complètement inconnu pour moi, en postulant à des castings. Je fais de la figuration dans quelques films et émission de TV, je fais des témoignages pour des produits dans les émissions de télé achat, je deviens modèle pour photographes et passe également derrière l’objectif.
J’ai une vie normale. Mon emploi à mi-temps me permet de vivre pleinement le coté artistique qui était en moi et que je n’osais pas extérioriser, de faire du sport et d’avoir des temps de repos pour palier à ma fatigue.
Extérieurement ma sclérose en plaques ne se voit pas. J’ai réappris à voir avec un œil gauche mal voyant, à vivre avec des mains qui ont des fourmillements constants et qui n’ont pas la même sensibilité, à gérer mes troubles urinaires et à palier à ma fatigue grâce à mon mi-temps.
Cela fait maintenant plus de 2 ans que je suis sans aucun traitement grâce aux effets à long terme des traitements suivis auparavant. Bien sur, je suis suivie régulièrement par mon neurologue.
Je voulais témoigner pour montrer que malgré les épreuves de la maladie et de la vie, il ne faut JAMAIS baisser les bras et toujours se battre. Surtout ne jamais laisser du terrain à la sclérose en plaques !
J’ai joint une photo réalisée en tant que modèle pour vous montrer qu’on peut repousser la maladie à travers l’image.
Aussi bizarre que cela puisse paraître et malgré les épreuves traversées, je peux dire aujourd’hui que sans la maladie je n’aurais jamais fait autant de choses, et je n’aurais pas eu la chance de faire de riches et extraordinaires rencontres.
J’estime avoir quelque part beaucoup de chance même si la sclérose en plaques sommeille en moi.
N’oubliez pas : la vie est belle et vaut le coup qu’on se batte pour elle ! »
Par Sylvie BB.
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Je réponds tardivement à tous vos commentaires pour lesquelles je vous remercie.
Je suis heureuse de voir que mon témoignage a pu redonner un peu d'espoir à certaines personnes.
Après la chimio, je suis restée 5 ans sans aucun traitement.
Un surcharge de travail a entrainé beaucoup de fatigue déclenchant une pousse. Suite à cette poussée, j'ai dû reprendre un traitement sous GILENYA.
Depuis aucune poussée, je vis normalement avec activité professionnelle, du vélo sur route avec mon mari (des sorties de 60 km le dimanche) et toujours pleins de projets.
La vie est trop belle… alors ne baissez pas les bras et battez-vous pour ne pas laisser la SEP tout gâcher !!