« Bonjour,
Aujourd’hui, je fête mon 24ème anniversaire. La première pensée que j’ai eue ce matin concernait la sclérose en plaques (en vérité, c’était la troisième : les deux premières concernaient mon copain et ma famille). J’ai réalisé que non seulement j’avais 24 ans (que le temps passe vite) mais également que cela faisait 8 ans que j’étais malade.
En parlant d’anniversaire, le diagnostic de sclérose en plaques a été fait le jour d’anniversaire de celui de ma maman. Quand le neuro me l’a annoncé, je me suis imaginée alitée, avec une couche, avec une bavette…, que ma vie allait s’arrêter là, à l’aube de mes 20 ans, alors que je n’étais encore qu’aux balbutiements de ma vie d’adulte.
A posteriori, nous avons retracé l’histoire de ma maladie : quand sont apparus les premiers signes, comment ils se sont manifestés…En réalité, j’avais, depuis mes 16 ans, des séquelles sensitives et motrices de poussées antérieures, ce que je prenais alors pour une bizarrerie de mon corps, pour une sensibilité fluctuante, pour une faculté en plus (je me vantais de ne pas ressentir certaines douleurs : « même pas mal »)…
Un été, suite à un choc (physique et psychologique), j’ai perdu la vue de l’œil droit, un voile blanc opaque m’empêchait de voir. Mon ophtalmo de l’époque (j’en ai, bien évidemment, changé par la suite) a pensé rapidement à la sclérose en plaques, mais n’a pas partagé ni envisagé ce diagnostic, me considérant trop jeune pour ce genre de maladie. J’ai été très en colère : je me suis demandé comment je serais aujourd’hui si j’avais été prise en charge plus tôt, la réponse étant si incertaine que me suis dit que ce n’était pas la peine de se battre contre quelque chose de fait et que je ne pourrais pas changer. Cela n’a pas été la première, ni ne sera la dernière, bêtise d’un médecin face à moi.
Après IRM et ponction lombaire qui montraient une sclérose en plaques assez ancienne et très active (voire « agressive »), j’ai été immédiatement traitée par un médicament par injection sous-cutanée (Copaxone®), mais, suite à plusieurs poussées plus ou moins invalidantes, plus ou moins longues, plus ou moins inquiétantes pour mon entourage et moi-même, je bénéficie d’un autre traitement, en perfusion à l’hôpital (Tysabri®), depuis trois ans bientôt. Les cures se passent relativement bien (même si le programme « nausées et fatigue » est très souvent au rendez-vous). Je ne me sens pas particulièrement mieux (car quelques poussées ou réveils de séquelles ont eu lieu) ni particulièrement moins bien.
Au début de la maladie, je vivais contre, je me suis battue, je l’ai refusée, je voulais vivre comme tout le monde, vivre comme une jeune fille de 20 ans : s’amuser jusqu’au petit matin, se coucher à minuit et se réveiller juste assez tôt pour aller à la fac, aller manger chez les uns et les autres… Je me suis assez vite rendu compte que ce n’était pas possible. Maintenant, je vis avec, j’accepte ce qui m’arrive (avec plus ou moins de facilités, c’est vrai). Je vis ma vie au mieux de ce que j’en attends, je fais des projets pour l’avenir, je réalise lentement mes rêves…
Tout cela est possible parce que je ne suis pas toute seule, je suis très bien entourée par mon copain, par ma famille, par mes amis, par mes profs, par mes futurs collègues… Je sais que je n’ai pas la vie normale que j’aurais souhaité avoir, mais je fais ce que je peux pour faire ce que je veux, même s’il faut parfois faire des concessions et accepter beaucoup de choses qui sont désagréables, comme avoir besoin d’aide humaine ou matérielle. J’arrive, la plupart du temps, à trouver l’équilibre juste, à ne pas trop tirer sur la corde et à profiter de ce qui m’est offert.
Cela peut paraître prétentieux de dire cela, mais je pense que c’est pas mal de s’auto-complimenter parfois : je suis contente d’être ce que je suis aujourd’hui avec la sclérose en plaques, je suis en 5ème et dernière année de psychologie, j’ai un petit ami qui m’aime et que j’aime, j’ai une famille adorable et présente, j’ai plein d’amis qui m’apprécient (enfin j’espère), j’ai d’ambitieux projets professionnels et personnels…
Je vis bien et je suis heureuse, malgré mes difficultés à me servir un chocolat chaud, à ouvrir le bouchon du tube de dentifrice, à me laver les dents, à marcher jusqu’à l’arrêt de bus (béquilles et fauteuil roulant m’aident à avancer parfois), à prendre le bus (j’alimente la mauvaise réputation des jeunes « fainéants » de la fac de lettres qui sont « toujours » bourrés), à prendre en note les cours à la fac (heureusement que les Notebook existent), à aller aux toilettes pendant le temps imparti des pauses (3 minutes top chrono), à rester concentrée et alerte durant les heures de cours (« je ne me fous pas de ce que vous dites, Monsieur, je suis juste malade et fatiguée »), à me souvenir des rendez-vous donnés et des personnes rencontrées (grande source de quiproquo), à réagir de façon adéquate dans une conversation, à manger (plus par manque d’appétit), à me coucher tard et à faire la fête (« tu ne viens plus aux soirées ?! »)… Plus les baisses de moral, les difficultés de choix, les phases d'excitation ou de fatigue, la perte ou le manque d'appétit… et les fameux symptômes de la sclérose en plaques : névrites optiques, céphalées, nausées, constipation, diarrhée, spasmes, fuites urinaires et fécales, insensibilités ou hypersensibilités, sensations de décharges électriques, engourdissements, fourmillements, tremblements, fausses routes, parésie, douleurs...
Actuellement, ma vie se déroule en constante adaptation de ma maladie à mon environnement, à mes projets, à mes envies, à mes lubies, et cela n'est pas toujours évident à faire car j'ai encore la fougue et l'insouciance d'une jeune fille, que je dois confronter aux réalités d'une malade. Ma famille et mes proches me soutiennent dans mes projets, m'aident à trouver des solutions (ils sont terriblement ingénieux, prêts à participer au concours Lépine), à abandonner un rêve trop irréalisable, à adapter mes envies. Ils sont présents à chaque instant, dans les bons moments où je fais des progrès, où j'avance dans ma vie, où je réalise un projet, mais aussi dans les mauvais moments où je perds de l'indépendance, où je vais mal physiquement et/ou moralement, quand l'avenir ne signifie plus rien pour moi. Sans eux, je ne serais pas comme je suis aujourd'hui, je ne serais pas la tête pleine de projets pour le futur, je n'aurais pas autant envie de vivre que maintenant, malgré les douleurs, malgré les incapacités, malgré les traitements, malgré le handicap.
Ce témoignage est un moyen pour moi de remercier tous mes proches, de dire que je suis extrêmement fière d’eux et très honorée de leur présence à mes côtés dans ce quotidien pas évident. Bizarrement, la maladie nous a appris à profiter de chaque instant, à être plus proche, à relativiser ce qui arrive, à se soutenir (et pas que lorsque cela me concerne)…
Je remercie aussi Arnaud pour tout ce que tu fais, j'ai dévoré ton livre, j'ai ri et pleuré en le lisant, car tu es si étrangement proche de moi, comme je me retrouve dans chaque témoignage de ce site. Je remercie l'association Notre Sclérose pour son dynamisme et sa volonté, pour le courage qu'elle me donne...»
Par Claire.
❤️ Soutenez l'association Notre Sclérose ! (Exemple : un don de 20€ ne vous coûte réellement que 6,80 €).