Un film devenu réalité…
« Bonjour,
Je n’aurais jamais pensé que je le ferais, ce témoignage, pensant systématiquement que ma situation était moins grave que celle d’autres patients atteints de la sclérose en plaques… Mais, après avoir lu ces témoignages et ces commentaires de soutien qui les suivaient, je me suis dit que finalement, on était tous dans le même bateau, que certains puissent marcher ou pas, on se comprend. Et finalement, c’est ça que je recherche. Une compréhension…
Août 2016, je suis en pleine saison de travail sur la plage (à vendre des chouchous et beignets) mais je commence à ressentir une gêne dans l’œil gauche, une tache floutée, comme si je m’étais brulé la cornée. Je décide de consulter un ophtalmologue. Lors des tests, il me fait fermer un œil, puis l’autre et je me rends compte qu’en réalité je suis quasiment devenue aveugle de l’œil gauche… Mon œil va bien, c’est le nerf optique qui déconne.
L’ophtalmologue m’envoie sans attendre voir un neurologue qu’il connaît bien, pour faire une IRM cérébrale. Celui-ci m’accueille et, sans attendre, me met sous perfusion de corticoïdes (comme la plupart de vous tous) sans même faire d’IRM ou d’examens. Je me retrouve installée dans une chambre d’hôpital sans trop comprendre ce qui m’arrive et l’on m’annonce que je ne ferai mon IRM que le lendemain… Perplexe et sans aucune information, je sens la panique monter. Mon compagnon n’est pas au courant que l’on va me garder pour 3 jours, aucun moyen de le joindre. Je m’énerve et demande à sortir au plus vite d’ici ou alors que l’on m’explique quelque chose. Rester dans le flou était intenable.
Bref, j’arrive à joindre mon entourage, mes parents étant déjà alertés et sur place depuis le début. Je passe la pire nuit d’angoisse de toute ma vie… C’est terrible quand votre propre cerveau vous inflige des films ou s’imagine les pires scénarios, mais rien à faire, c’est la panique totale.
Le lendemain, hop, IRM cérébrale puis consultation avec le neurologue. Vous savez, ce médecin compétent mais incapable de parler à des personnes lambda qui n’ont aucune connaissance de la médecine. Mon père, chimiste et brillant scientifique, comprend ce neurologue pendant que ma mère et moi sommes complètement perdues avec une insatiable soif de comprendre.
Mon père, l’homme qui n’a jamais flanché devant moi, à part le jour de l’enterrement de sa propre mère, se prend la tête entre les mains et dit ce fameux : « Oh putain ». Il venait de comprendre… Ce neurologue nous annonce tout de même que son diagnostic n’est pas certain, il manque encore quelques examens pour en être sûr, mais on savait tous ce qu’il en était…
Ma vie allait changer et je n’y étais vraiment pas préparée. J’avais fêté mes 21 ans, 7 jours plus tôt.
48 heures plus tard, je récupère 100% de mon œil, j’apprends après qu’il s’agissait d’une poussée et qu’il n’était pas certain que je récupère la totalité de mes capacités oculaires.
Je sors enfin de cette clinique avec la lourde charge de ne pas me démonter, ma famille et mes proches comptent sur moi. J’ai toujours été un pilier et une femme extrêmement forte, il était hors de question de flancher. Pas de pleur, pas de regard de pitié ou désemparé, j’étais celle qu’on attendait, celle qui remonterait le moral des troupes et qui minimiserait les dégâts. La Femme forte ! Intérieurement, j’étais détruite. Mais ça bien sûr, il n’y avait que moi qui le savait. Étrangement, c’est rapidement devenu une force : me montrer positive auprès de mon entourage, les rassurer et de les voir rassurés me donnait du courage. Je ne sais pas si vous voyez…
Bref, les jours passent… Mon père étant un peu dans le milieu, avec un bras plus long que ce qu’on pouvait imaginer, me décroche un rendez-vous avec La Meilleure neurologue du meilleur service de neurologie (de grande renommée), et c’est ici, chez moi, à Montpellier.
J’arrive face à une jeune femme exceptionnelle, belle avec un regard rassurant. Elle a une capacité surprenante à s’exprimer de façon à ce que l’on boive ses paroles sans se poser une question. La confiance était installée, c’était elle que je voulais et personne d’autre.
Elle me réexplique tout, je passe les détails, et finit par aborder la question du traitement, les différents choix qui s’offrent à moi et les effets que l’un ou l’autre entraînent. J’avais été ferme, je voulais le traitement où je puisse être la plus autonome et qui m’obligerait le moins souvent à venir à l’hôpital (donc pas de perfusion ni rien de ce genre) : bien sûr, il fallait qu’il soit aussi efficace.
On me présente le Gilenya®, et ça sera mon premier traitement. Celui-ci me convenait parce que c’était une petite gélule micro-dosée, à prendre tous les jours (avec ma pilule ça passait inaperçu d’un point de vue psychologique).
Bien entendu, j’ai eu des difficultés à l’accepter, j’ai fait ma rentrée scolaire 3 semaines après l’annonce du diagnostic. Il fallait en vouloir pour garder la face, croyez-moi. Mais c’était impossible, je pleurais tous les jours, tout me rappelait l’hôpital, chaque phrase et chaque mot… Je ne m’en sortais plus, impossible de se concentrer quand on a l’impression que ta vie vient de prendre le tournant que tu voyais toujours dans les films.
Dès le début, à l’hôpital, on m’a annoncé que j’avais accès à un psychologue ou à intégrer des groupes de parole. Des groupes de paroles ? Moi ? Comment pouvais-je me plaindre de ma vie (en pleine forme) face à ceux qui ne peuvent plus marcher ou voir ? Non, non, non, non : dans mon esprit j’étais trop chanceuse pour m’autoriser à me plaindre de ma situation qui était tout à fait gérable.
J’ai pris finalement le psy, qui m’a par ailleurs beaucoup aidé. Je me rappelle lui avoir dit que j’avais besoin de me plaindre et de pleurer un bon coup face à quelqu’un qui ne serait pas directement affecté et qui ne se mettrait pas à pleurer lui aussi. Au bout de 2 mois, ça allait bien mieux, personne ne voyait que j’étais malade, alors moi non plus !
Deux ans plus tard, me voilà en décembre 2018. Je viens de faire mes deux IRM de contrôles. Entre mars et décembre, trois nouvelles lésions sont apparues à l’IRM cérébrale et une de plus dans la moelle épinière.
Pour ma neurologue, nous serions en droit de nous poser la question de l’efficacité du traitement sur ma personne. Pour elle, il faut changer. Alors bien entendu, elle doit en discuter avec les autres chefs de service, mais nous savons tous que ce serait mieux pour moi. Alors on m’a proposé trois médicaments différents (tous en perfusion), le choix n’est pas encore fait, c’est pourquoi je n’en dirais pas plus pour le moment.
En réalité je me rends compte que je digère mal ce changement de traitement (quasi certain), le fait d’avoir pris mon traitement avec ma pilule, ni vu ni connu et de garder la tête haute, m’a fait oublier que j’étais malade.
J’ai toujours fait comme si de rien n’était. Et je me rends compte que ce n’est peut-être pas la bonne solution. Cette annonce, je la vis comme si on me disait une seconde fois que j’étais malade. Et ça, personne ne le voit et même si je le montre du doigt, personne ne le voit. C’est normal : après tout, mon entourage est tellement enthousiaste que je change de traitement pour aller mieux qu’il ne voit pas à quel point finalement ça m’affecte. C’est comme si je devais me battre à nouveau et que la réalité me rattrape.
Certes ce n’est qu’une perfusion tous les 6 mois et c’est dans le but d’aller mieux mais je n’ai jamais eu envie d’affronter cette situation : rester 4 heures branchées à une machine dans une chambre remplie de « vrais malades », en fauteuils et qui se bavent dessus. (Je sais que je me fais une vision très glauque de la situation, peut-être que ce ne sera pas comme ça, qui sait !) Je ne me sens pas comme une « malade » : en réalité, je suis en pleine forme mais les images disent le contraire.
Vous savez, je crois que le pire dans cette maladie (et je pèse mes mots), c’est que ce soit incurable certes mais surtout imprévisible… Je ne peux me préparer. Et ça, ça me terrorise. Je ne maitrise rien, je ne sais rien, je n’anticipe rien. Tous les jours sont une découverte et c’est intenable.
Je pourrai être en pleine forme à 55 ans comme être en fauteuil à 30 ans. C’est terrifiant de ne pas avoir le contrôle. Je préfèrerais avoir un pronostic, certes grave, mais au moins je le connaîtrais, et je pourrais anticiper, me préparer… mais non.
Alors pourquoi j’appréhende tant le moment où je serai face à ces gens branchés à leur perfusion ? Parce que j’aurai,en face de moi, ce qui pourrait m’arriver dans les jours, semaines, mois ou années à venir. Et ça, croyez-moi, je l’avais bien enterré.
Je pourrais vous écrire encore des pages et des pages de ce qui se passe à l’intérieur de ma tête mais j’écrirai un livre le moment venu. Il est vrai qu’écrire est le meilleur exutoire au monde.
Il est temps de m’arrêter ici, d’attendre le verdict et quoi qu’il arrive, continuer à me battre. Pour ma famille, l’homme de ma vie et pour moi, bien sûr.
Merci pour vos témoignages, ils m’ont aidée à ne pas me sentir seule et à m’exprimer, j’espère que celui-ci sera entendu. »
Par Lisa, 23 ans.
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Je suis tombé aveugle des deux yeux au volant de ma voiture ; après une prise de corticoides de cinq jours , c'est revenu.
A part ca , j'ai des problèmes d'équilibre comme beaucoup de se^piens .
j'ai vendu ma 2eme voiture , c'est d'ailleurs conseillé quand on a une sep de ne pas conduire!!
Il me reste la natation quand je peux et puis j'adore ca!. Garder le moral !!!