« Le sable encore chaud en ce début de soirée recouvre une partie de mes jambes. Mon regard est fixé sur l’horizon qui, bleuté d’une teinte pâle, tranche singulièrement avec le soleil qui décroît et va bientôt se noyer dans l’océan. Je suis bien là, seul face aux éléments. J’ai toujours aimé une certaine solitude, je suis assez secret comme garçon…
Depuis un mois maintenant, je vis ici dans le Médoc. Une page blanche s’offre à moi, je veux y conter une nouvelle histoire, la plus belle possible malgré ces mots barbares que, contraint, je dois y apposer.
Une des raisons qui m’a poussée à mon exil aquitain est, depuis de nombreuses années, le rêve de refaire du surf. Mes années guyanaises, où je m’étais adonné, adolescent, aux joies de la glisse, m’ont profondément marqué et ce fort désir de vivre à fond devant l’urgence, avant que mon corps ne s’abandonne un jour à cette maladie, a fait le reste...
La fraîcheur de l’océan n’a pas altéré mon enthousiasme, assis sur ma planche je fais face à l’infini. Les vagues sont quasi inexistantes, mais à cet instant je m’en fous royalement. Je suis bien, là, dans l’eau, si léger. Un sentiment de toute puissance m’envahit peu à peu, je me sens fort, plus fort qu’elle surtout qui, un jour, a sournoisement décidé de se mesurer à moi. Je veux la défier, l’humilier cette chose qui s’empare, pour le moment, plus de ma tête que du reste. Alors, doucement les mots sortent :
- Tu crois que tu vas me niquer, hein ?
- Mais tu es qui toi, pour vouloir me pourrir la vie ?
- Tu peux aller te faire foutre !
Le ton se veut maintenant plus fort, je suis submergé par un mélange difficilement identifiable. Debout dans l’eau, j’hurle littéralement comme un fou des « caaasse toi putain ! casse toi ».
Je suis seul au monde, étourdi. Je donne des grands coups de poings dans l’eau. J’éructe ma rage encore et encore. La notion de temps s’est envolée, tout comme les dernières lueurs de ce beau soleil rose vif. Les bras levés au ciel comme un vainqueur, je me soûle de cette victoire. Je suis totalement silencieux et calme à présent. Vidé d’un trop plein de stress et d’angoisse, je suis apaisé. Je vagabonde, mentalement. Ma femme et mon fils d’un an accaparent toutes mes pensées, je les couvre de baisers, ils sont là avec moi, je les serre, nous ne sommes qu’un.
À cet instant, ma sclérose en plaques n’existe plus, je suis tellement heureux ».
Par Pascal.
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