« Bonjour,
En ce 25 mai 2016, journée mondiale de la SEP (sclérose en plaques), je rends hommage à cette colocataire qui m’habite depuis bientôt un an.
Nous avons officiellement été présentées devant une boîte de mouchoirs en papier qu’on avait pris soin de mettre à ma disposition, mais au fond de moi, je la connaissais déjà, je la sentais, il me manquait juste son nom.
Nous sommes devenus inSEParable. C’est l’amour vache entre nous. Je l’ignore, veux la mettre à la porte, en sourdine, je l’insulte, mais comme elle est maso, elle m’emmerde et en redemande. C’est la guerre ! Je ne comprends pas où cette sournoise veut en venir… et les yeux… et les pieds… et la tête… et le foie… et les reins… et les mains… et les jambes… « alouette, maudite alouette, fous-moi la paix ».
Elle m’épuise et m’oblige à me la jouer grande dame allongée sur un canapé, pendant qu’on me fait le ménage, les courses et mes repas, c’est un comble ! Ma vie est devenue labyrinthe et brouillon, tout est compliqué et confus. Une tâche courante, physique ou intellectuelle, peut devenir une montagne. C’est effrayant d’avoir pleinement conscience de cette évolution qui s’opère en moi et ne pas avoir le contrôle. J’essaye, non sans peine, de faire le deuil d’une ; que je ne suis plus, et de deux ; de me rappeler que c’était quand la dernière fois où j’étais « normale ? », avant que cette intruse vienne chambouler ma vie comme un jeu de quilles ? Comme si la réponse allait m’aider. C’est pathétique !
Parfois, arrive un jour où elle s’éloigne et me laisse tranquille. Je réalise qu’une journée ordinaire peut devenir une journée extraordinaire. Alors je me prends pour Wonderwoman, j’ai un cerveau, je tombe du boulot, je suis efficace et je suis fière. Je me retrouve. Mais putain que c’est bon d’être madame tout le monde ! Elle m’a tellement sevré de tout, qu’un rien me suffit… me maquiller sans pleurer d’épuisement, pousser mon chariot, cuisiner, chanter au volant de ma voiture, prendre le petit déj avec les enfants, aller dans un magasin de fringues et avec les enfants (tout ce que je n’aime pas) mais qui, un jour, devient merveilleux parce que « Yes, I can ». Je suis heureuse et je profite, car à tout moment elle peut revenir… ou pas !
Grâce à elle, je vis des moments uniques et privilégiés avec mes enfants, Léo et Mélina. Ils font preuve d’une maturité et d’une sagesse qui m’impressionnent. Ils me consolent, me rassurent, me motivent, me poussent… et inversement. Nous vivons au tempo que nous impose ce tsunami. Ils se sont adaptés, alors que moi je râle. Ils sont patients, pas moi. Tous les jours j’apprends et je grandis à leur côté. Je ne peux pas faillir, ils sont ma force, ma fierté, mon moteur, mon carburant… Mais ça vous le saviez déjà.
Alors pour tous ces moments-là que je vis à 300%, pour tous ces petits riens qui font tout, pour ta façon à toi de m’apprendre à profiter de l’instant présent, de donner une nouvelle saveur à ma vie, je te dis merci, toi la SEP. Mais je te rappelle qu’ici la propriétaire des lieux c’est moi. Toi, tu n’es qu’une locataire, pire une squatteuse et en aucun cas tu pourras prendre possession de mon cœur, de ma tête et de mon âme. Et même si, parfois, il se peut que je perde momentanément la bataille, je ne perdrai jamais la guerre.
Fuck la SEP ! »
Par Sylvie.
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