« Bonjour,
Je m’appelle Carmen, je vis en Belgique et je viens juste de fêter mes 20 ans. Pour mon anniversaire, j’ai décidé de vous raconter mon histoire, comme une sorte de nouveau départ dans cette maladie. J’ai été diagnostiquée de la sclérose en plaques le 12 novembre 2020, j’avais donc 17 ans à ce moment-là. Commençons par le commencement : ma première poussée.
Le 19 octobre 2020, alors que je me dirigeais vers mon arrêt de bus pour aller à l’école, j'ai commencé à voir double. C’était très impressionnant, mais je me suis dit que ça allait passer parce que je suis une personne qui, malheureusement, ne se soucie pas vraiment des signaux que son corps lui envoie.
Mais cette fois-ci c’était extrêmement handicapant car ça me procurait des maux de tête. J’avais surtout une peur, celle de le dire à mes parents, pensant que je n’allais pas être comprise. Pourtant ce jour-là, malgré le fait que je voyais double, j’ai réussi quand même à en rire avec mes amis. Ça fait partie de mon tempérament, je suis quelqu’un qui garde toujours le sourire, même quand ça ne va pas.
En arrivant chez ma mère (car mes parents sont séparés), j’ai préféré le lui dire, même si elle n’a pas compris ce qui m’arrivait. Quand j’ai appelé mon père pour l’informer, il ne m’a pas crue car deux semaines plus tôt, j’étais allée en rendez-vous chez mon ophtalmologue et je n’avais aucun problème de vue.
Deux jours plus tard, ma mère a quand même réussi à obtenir un rendez-vous d’urgence chez mon ophtalmologue pour le 26 octobre à 11h45. Évidemment, je voyais toujours double. Mon père m’y a accompagnée, tout en étant convaincu que ce rendez-vous ne servirait à rien et que, dans une heure, j’allais reprendre les cours (je le pensais aussi d’ailleurs).
Étant en période Covid, mon père a dû rester dans la salle d’attente, alors je m’y suis rendue seule. Environ 30 minutes plus tard, je suis revenue et mon père m’a dit : « On peut déjà y aller ? ». Bien entendu, je lui ai dit que non et que je devais faire toute une série de tests car j’avais vraiment un problème.
Malheureusement, ce jour-là c’étaient des stagiaires infirmiers qui se sont occupés de me faire tous ces tests. Je dis « malheureusement » car j’avais l’impression d’être une sorte de « terrain de jeux » pour eux, même si je sais qu’ils ne faisaient que leur travail.
Il devait être environ 14 heures quand je suis revenue dans la salle d’attente, mais cette fois-ci accompagnée de mon ophtalmologue, pour dire à mon père qu’il fallait que je passe une IRM d’urgence et qu’il devait m’accompagner. C’est là que j’ai vu la détresse dans ses yeux parce que, cette fois-ci, il se rendait vraiment compte du problème.
Une heure plus tard, on est retourné dans le cabinet pour connaître les résultats de l’IRM et l’ophtalmologue nous a dit : « Sur ton IRM, je vois des taches qui ressemblent à des lésions, Carmen. Je ne suis pas neurologue, donc je ne sais pas en déduire la cause, mais tu dois absolument aller aux urgences pour faire une prise de sang ». Mon père et moi étions paniqués en allant aux urgences. Je n’avais jamais vu mon père comme ça. Mais malgré tout, il n’arrêtait pas de me dire que tout allait bien se passer, pensant que j’allais juste faire une prise de sang et puis renter à la maison (les cours étaient déjà terminés).
Pendant tout ce temps, ma mère m’avait téléphoné à plusieurs reprises pour avoir de mes nouvelles, mais je ne le savais pas. Mon téléphone était encore en silencieux depuis le matin.
Il devait être environ 16 heures quand les urgences nous ont accueillis, mais malheureusement mon père a dû encore rester dans la salle d’attente (période Covid oblige). Donc je lui ai dit : « J’arrive papa, garde mon sac en attendant », pensant que j’allais revenir rapidement…
L’infirmière m’a dirigée vers une petite salle, dans laquelle il y avait un lit d’hôpital et m’a dit : « Vous pouvez vous déshabiller madame et mettre la robe d’hôpital qui se trouve sur le lit ». Ne comprenant pas, pourquoi je lui ai dit : « C’est obligé pour une simple prise de sang ? » Et là, elle m’a répondu d’une manière pas très courtoise : « Mais madame vous êtes aux urgences, ce n’est pas une petite prise de sang qu’on va vous faire ici. Vous allez être hospitalisée, parce que ce que vous avez là, ce n’est pas rien ! ».
J’étais littéralement perdue, je venais de dire à mon père de garder toutes mes affaires, je n’avais donc rien sur moi pour le contacter et je ne pouvais plus retourner dans la salle d’attente pour le voir. L’infirmière est donc partie annoncer la nouvelle à mon père. Je pense qu’il était tellement perdu qu’il ne savait plus quoi faire, ni comment m’aider et surtout il devait se sentir tellement mal de ne pas m’avoir crue…
L’infirmière est revenue pour me faire la prise de sang et là j’ai craqué, je me suis mise à pleurer pour plusieurs raisons : le fait de ne pas comprendre ce qui était en train de se passer, le fait que ma mère n’avait aucune nouvelle de moi (entre-temps mon père l’avait bien sûr appelée, mais je n’étais pas au courant à ce moment-là). Et le fait que je ne pouvais pas être avec mon père, alors que j’avais besoin de lui.
Il faut savoir que mon père déteste les hôpitaux et étant leur seul enfant, mes parents ont toujours fait attention à ma santé. Mais là, ils ne pouvaient rien contrôler.
En plus, cette infirmière ne me rassurait pas du tout. Heureusement, elle était en fin de service et une autre est venue pour m’expliquer qu’un médecin allait me faire une ponction lombaire. Elle m’a expliqué que ça consistait à recueillir du liquide céphalo-rachidien, mais je ne connaissais pas la raison de cette intervention. C’était le brouillard dans ma tête.
Ensuite, elle m’a fait un test PCR pour être sûre que je n’avais pas le Covid (je ne l’avais pas). Je n’ai strictement rien senti, tellement j’étais complètement ailleurs.
Il devait être environ 18 heures et j’étais toujours en train de pleurer quand le médecin est arrivé pour me faire la ponction lombaire. Ça m’a fait mal, mais l’infirmière était à mes côtés pour me rassurer.
Après, on m’a fait une perfusion sans me dire ce que c’était, ou alors on me l’a dit mais je n’en ai aucun souvenir.
J’ai finalement réussi à être en contact avec mon père, car j’ai demandé à l’infirmière de me prêter son téléphone. Mon père m’a répondu et m’a dit qu’il était toujours dans la salle d’attente, qu’il allait chercher ma mère.
Ça faisait environ 5 heures que j’étais aux urgences quand tout à coup j’ai vu mes parents derrière la porte. Ils pouvaient à peine l’ouvrir pour me parler, j’étais très mal, triste et impuissante face à tout ça et je ne savais pas ce qui m’arrivait.
Ils avaient les yeux tellement rouges, j’avais mal au coeur de les voir si tristes. Mon père m’avait ramené un Mc Do pour me faire plaisir, mais je n’avais aucune envie de manger. Je n’arrêtais pas de pleurer, j’avais surtout envie de les avoir à mes côtés. Je leur ai raconté ce qui s’était passé durant leur absence. Mon père n’était pas très content car on ne l’avait prévenu de rien, sachant que j’étais encore mineure, à part le fait que j’allais être hospitalisée. Mais ils ont dû partir car ils ne pouvaient rester que 10 minutes.
Vers 22 heures, on m’a trouvé une chambre où il y avait déjà un patient. Heureusement, 10 minutes après on est revenu me chercher pour me dire qu’on me changeait de chambre car quelqu’un m’y attendait. C’était ma mère !
Quand je l’ai vue entrer, toute ma tristesse s’est envolée et je lui ai dit : « Comment t’as fait pour venir ? ». Elle m’a répondu : « J’ai réussi à avoir l’autorisation de ton ophtalmologue pour dormir avec toi pendant ton hospitalisation. Je ne pouvais pas te laisser seule ». Je lui ai demandé : « Et papa il va pouvoir venir me rendre visite ? ». Elle m’a répondu qu’elle ne pensait pas que ça soit possible.
Le lendemain, après quelques heures de sommeil, le médecin est venu me dire que je devais être hospitalisé jusqu’à 28 octobre, afin de pouvoir me perfuser 1 gramme de corticoïdes (qui est un anti-inflammatoire très fort) pendant 3 jours et essayer de diminuer ma diplopie.
Pour vous la faire courte, pendant ce séjour à l’hôpital, on ne m’a pas dit de quoi je souffrais, mais je voyais beaucoup ma mère téléphoner à la famille. Étant d’origine rwandaise, elle parlait dans notre langue d’origine. Sachant qu’à cette époque je ne comprenais qu’un mot sur deux, j’arrivais seulement à saisir que ma mère savait de quoi je souffrais, mais sans que je sache ce que c’était.
Mon père, malheureusement, n’a pas pu venir me voir à cause du Covid, mais il m’appelait tous les jours. Heureusement que ma mère était avec moi.
Pour information, j’étais dans le service de cardiologie, car il n’y avait plus de place en neurologie, donc le médecin était un cardiologue, c’est pour cela qu’on ne me donnait toujours pas mon diagnostic.
Fin du séjour à l’hôpital. Mon père est venu nous chercher les larmes aux yeux. Ça se voyait qu’il s’en voulait de ne pas m’avoir crue et de ne pas avoir pu rester. C’est court 3 jours, mais j’avais l’impression que c’était une éternité.
Arrivée à la maison, je devais rester le plus possible couchée, à cause de ma ponction et porter un cache-yeux pour éviter les maux de tête. J’ai donc raté les cours jusqu’à la fin de semaine. Heureusement la semaine suivante c’étaient les vacances de la Toussaint.
Deux ou trois jours après mon arrivée à la maison, j’ai entendu ma mère parler avec sa sœur et prononcer le nom « sclérose en plaques ».
Comprenant que c’était ce dont je souffrais, j’ai décidé d’aller me renseigner sur Google. C’était la pire chose à faire ! Je le savais, mais j’étais complètement perdue et évidemment j’ai pris peur en voyant les conséquences de cette maladie.
Le lendemain j’ai reçu un appel d’une cousine (la fille de la sœur avec qui ma mère était au téléphone la veille). La dernière fois que je l’avais vue, je devais avoir environ 6 ou 7 ans et nous avons 20 ans de différence.
Elle travaille aux quatre coins du monde et je me souvenais d’une chose en particulier, c’est qu’elle boitait beaucoup, sans que je sache pourquoi.
Au téléphone, elle a pris de mes nouvelles et m’a demandé comment je me sentais et si j’étais au courant de ma maladie. Je lui ai répondu qui oui, je le savais car j’avais très vite fait le lien avec son appel : Toutes les informations que j’avais récoltées sur Internet, ma mère qui se cachait pour téléphoner à la famille en parlant de la sclérose en plaques et ensuite ma cousine qui m’appelait alors que ça faisait 10 ans qu’on ne s’était plus vues. J’avais compris…
J’avais compris que j’avais la sclérose en plaques, j’étais complètement apeurée. Ma cousine m’a beaucoup rassurée et je me suis sentie moins seule. Avec moi, elle a compris pourquoi elle en était atteinte, que c’était génétique du côté de nos mères respectives (Note de l’Association Notre Sclérose : voir la vidéo du Professeur David Laplaud « La sclérose en plaques est-elle génétique ? »).
Savoir pourquoi ça m’arrivait et pas à quelqu’un d’autre, ça m’a fait beaucoup de bien, alors je n’imagine même pas comment elle a dû se sentir quand elle a su qu’elle n’était plus seule. Certes, elle savait que les femmes étaient plus touchées que les hommes par cette maladie, mais il y a aussi le facteur génétique qui entrait en jeu. Sachant que, dans notre famille, il n’y avait personne d’autre atteint de la sclérose en plaques, voilà que 20 ans après le diagnostic de ma cousine j’en étais atteinte aussi.
Le 12 novembre, j’ai eu mon premier rendez-vous avec mon neurologue, accompagnée de mon père qui était toujours autant perdu à ce sujet. Arrivés dans son cabinet, le médecin m’a demandé si je savais pourquoi j’étais là. Je lui ai répondu que oui et que ma cousine en est atteinte depuis ses 25 ans (aujourd’hui elle en a 40 ans).
Il était étonné de me voir aussi calme, j’avais déjà encaissé la nouvelle et je connaissais déjà le sujet. À ce rendez-vous c’était plutôt mon père qu’il fallait rassurer et à qui il fallait expliquer les causes et les conséquences de cette maladie. Mais je sentais qu’il ne voulait toujours pas y croire.
Alors pour le rassurer, ma mère a décidé de prendre un rendez-vous avec un autre neurologue dans un hôpital à Bruxelles et évidemment le verdict a été le même, j’avais bien la sclérose en plaques.
Alors tout s’est fait très rapidement, parce qu’évidemment il n’y avait pas de temps à perdre pour commencer mon premier traitement : Avonex® qui est un traitement par injection, une fois par semaine. C’était le seul traitement de première ligne qui me convenait, car j’étais encore mineur.
Je ne vais pas mentir, au début c’était difficile de me piquer seule, mais au fur et à mesure c’était devenu banal… Environ 7 mois après le début, donc au mois de septembre 2021, j’ai cependant commencé à sentir des fourmis, donc des picotements au pied droit, même si au début c’était léger. Pour que ce soit une poussée, il fallait que ça dure plus de 48 heures et là les picotements avaient duré 5 jours et c’était de plus en plus fort. Heureusement, ils sont partis tout seuls, mais en même temps ce n’était pas bon signe pour le traitement que je suivais.
Mars 2022, c’était mon rendez-vous pour faire un bilan. Un an après le début de mon traitement et après une poussée et donc une IRM qui n’était pas bonne avec de nouvelles lésions apparues. Mon neurologue en a déduit qu’Avonex® ne me convenait pas. Alors, après un moment de réflexion et sachant que je devais donc passer à un traitement de deuxième ligne, on a choisi Mavenclad®. C’est un traitement par comprimés, que l’on prend en cure de 5 jours, une fois par mois, sur 2 mois consécutifs. Et les 10 autres mois de l’année, aucun comprimé n’est a prendre. Et on recommence le procédé l’année qui suit. Puis pendant 2 ans on ne prend aucun comprimé. Et on recommence le traitement comme au début.
Aujourd’hui, nous sommes le 20 juin 2023 et c’est mon anniversaire. Comme je l’ai dit au début, je vous raconte mon histoire comme une sorte de nouveau départ, mais je pense surtout que c’est pour que je puisse l’extérioriser.
Enfin bref, aujourd’hui je me sens bien, je vis avec cette maladie comme si elle n’était pas présente, car Dieu merci je n’ai pas de séquelles. Je sais que ce jour viendra et que ça ne sera pas facile tous les jours, mais pour l’instant je profite du moment présent et je garde toujours le sourire et je reste positive.
Merci à l’Association Notre Sclérose car, grâce à vous, j’ai pu m’exprimer. »
Par Carmen.
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