« Bonjour,
Je viens de fêter mes 30 ans. Mes parents bien-aimés m'ont organisé une fête surprise que je n'oublierai jamais, j'ai passé un été formidable, mais fatiguant. Et si ma famille et mes amis se sont réunis pour me préparer cette belle surprise et célébrer dignement l'évènement de mon entrée dans la trentaine, ils étaient également là lorsque je les ai appelés pour leur dire : là ça pue !
Depuis 2 semaines, je me traîne, les paresthésies sont plus présentes, montent jusqu'au cou et au visage lorsque je m'active un tant soit peu. Rédiger ce texte n'est pas une sinécure, fourmis aux mains et perte de sensibilité au bout des doigts (entre autre).
Mais aujourd'hui, particulièrement, je tiens à le faire. Depuis le temps que je reçois tes appels à témoignages Arnaud et que je me dis : je vais le faire, je dois le faire. Mais pas le temps, pas l'angle d'attaque. Que dire ? Des choses que tout le monde connait ? Le début de la maladie ?
Le passage d'un traitement à l'autre, les échecs thérapeutiques, leurs effets indésirables ? Les symptômes ? Les poussées ? Chaque sclérose en plaques est différente, mais le parcours est finalement similaire.
J'ai la sclérose en plaques depuis 13 ans. J'avais 17 ans à l'époque, j'allais passer le BAC, et je me sentais curieusement fatiguée pour mon âge, et puis ces fourmillements qui ne voulaient pas partir. Et ce truc là, quand on baisse la tête et que ça envoie une décharge électrique. Très désagréable tout ça… Et puis un jour, sans crier garde, à l'entrée d'un cours un camarade me pique ma place, et de fatigue, de contrariété je me mets à pleurer de manière incontrôlable. On m'envoie à l'infirmerie, on appelle ma mère. Elle arrive, et là je lui déballe tout. Le processus est amorcé. Médecin, neurologue, hôpital, examens. On ne me dit rien. Corticoïdes. Bon. Toujours rien, mes parents s'énervent. Ils habitent loin, ne peuvent pas être à mes côtés chaque jour. Et le médecin semble les éviter. C'est un épisode de démyélinisation. Môman a déjà entendu ça. Le frère d'une de ses amies. Mais moi je suis dans le potage. Jusqu'au soir où un interne entre dans ma chambre comme un ouragan et clame, comme une évidence : « Alors c'est ici la sclérose en plaques ? ». Le ton est donné. J'appelle Môman qui me dit la chose la plus vraie qui soit : « Ce n'est pas une maladie facile ma fille mais on n'en meurt pas. » Avec la maturité, je me dis qu'il a dû lui falloir une sacré dose de courage pour dire ça à sa fille de 17 ans, hospitalisée à plus de 100 kilomètres, sans tremblements dans la voix, alors que son cœur se met à saigner.
À partir de là, c'est une histoire personnelle, une histoire de famille, une histoire d'amis. Chacun se sent concerné de manière différente, avec pour dénominateur commun l'envie de m'aider, de me soutenir, d'être là. Tout simplement. Et nous en avons traversé des choses ensemble. Oui, je suis la seule à éprouver ce qui se passe dans mon corps, mais je peux me tourner vers des personnes de confiance, solides pour traverser ces épreuves.
Et c'est à toutes ces personnes que je veux rendre hommage aujourd'hui. Le quotidien n'est pas facile, mais pour ces personnes, je veux me battre, ne jamais me laisser aller. Rester positive. Même terrassée par la fatigue et les douleurs, garder le sourire. Ils sont ma raison d'être. Si je ne me bats pas, je ne mérite pas leur soutien ; et là si certaines de mes connaissances lisent ça, elles vont me tomber dessus à bras raccourcis ! Soit disant que je suis une sacrée nana, qui dans son quotidien force le respect et l'admiration de par les combats qu'elle à choisi, et la manière dont elle s'assume. Cela fait des années qu'il y a débat, et même si la partie de moi la moins modeste est rose de plaisir lorsqu'elle entend ces compliments, mon moi entier peine à accepter un tel « jugement » (je mets des guillemets parce qu'il y à pire comme jugement !).
Je sais que je fais une poussée actuellement, j'attends une hospitalisation pour un bolus de corticoïdes. Je suis sous Tysabri® depuis 2 ans, ma dernière poussée remonte à un an. Ce sont des choses que j'ai traversées tellement de fois que je ne compte plus (bon aller au moins 25 fois si je me rappelle bien !). Et chaque fois je me demande si j'aurais encore la ressource nécessaire pour m'en relever. Pourtant chaque fois ces gens que j'aime sont là, et malgré leurs propres craintes ils se montrent forts, prêts à se battre avec moi.
Mon meilleur remède depuis 13 ans, c'est cet amour.
Je sais combien je suis privilégiée. Le handicap conduit souvent à l'isolement. Mais si j'ai bien appris une chose c'est d'aller vers les gens, tel que l'on est. Ne pas se résumer à cette maladie. Juste montrer qu'elle fait partie de soi comme tant d'autres choses. Et ne pas hésiter à créer le dialogue, parler ouvertement, c'est ainsi que les proches se sentent plus à l'aise pour poser leurs questions. Parce qu'ils ont besoin, eux aussi, d'informations pour pouvoir nous aider à apprivoiser « la bête » comme je l'appelle.
Depuis que j'ai cessé toute activité rémunérée, je me consacre enfin pleinement à l'importance du regard que porte la société sur la maladie, le handicap, toutes ces choses « différentes » pour ne pas dire anormales selon les critères et clichés établis de notre monde. Et je milite activement contre toute sorte de discriminations par l'information. Ma voix s'associe donc à l'Association Notre Sclérose pour communiquer et nous faire entendre ! De toute façon, je n'ai jamais été du genre à me taire !
Mais pour aujourd'hui je m'arrête là, fatigue et douleurs obligent, donc même si j'adore raconter ma vie, là il faut vraiment que j'aille m'allonger !
Bonne continuation à toi Arnaud ainsi qu'à l'association ! »
Par Cystèle.
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