« Bonjour à tous,
Je crois que, depuis le début, j'ai pu lire presque tous les témoignages, tellement je suis perdu…
Tout commence en septembre 1995, je suis en train de me préparer. Suite à des vertiges, je m’assois sur une chaise et en me levant je ressens une drôle de sensation dans ma jambe droite. Ça part du pied et ça remonte jusqu'à la hanche. Je n’arrive plus à voir normalement et je n’ai plus de vision panoramique. Ça me donne l’impression de regarder comme à travers un stylo Bic® avec la mine enlevée. Cette drôle de sensation se poursuit par des douleurs à la tête. À tout cela, s'ajoutent une perte d'équilibre et des vertiges : je ne tiens pas trop debout et il me faut m'asseoir ou me tenir à un mur. Il est 3h du matin quand ces symptômes arrivent au moment où je partais mettre en place des équipes de désosseurs, dans une usine de viande. Je me rassois donc et en 2 secondes tout redevient normal. Je me dis que ce n'est rien, que je suis fatigué et que je manque d’énergie, donc rien de grave. Mais ce drôle d'incident se reproduit vers 11h la même journée, alors que j'étais sur une chaîne de désossage ! Là, je commence à m'inquiéter. Puis rebelote, la même sensation le soir. Le lendemain rien de mieux. Je passe au travail et je décide de rentrer, toujours avec une vision très réduite. Rien ne va, mais je décide quand même d’aller à Avignon. Manque de pot, aucun rendez-vous avec mon médecin avant la semaine prochaine !
Tout aurait pu s'arrêter là… mais non ! Un calvaire. Je me lève cette fois avec de drôles de sensations : perte d'équilibre, vertige, tout tourne autour de moi. Ça ne va pas je suis à 550 km de chez moi ! J'aurais dû aller chez un médecin dès que j’ai eu cette drôle de sensation la première fois !
Bref, le lundi au boulot dans cet état, c'est une cata : toujours cette sensation bizarre à la jambe et à la tête. À la fois avec des pertes d'équilibre qui m'empêchent de marcher normalement. Bizarrement ça m'arrive quand je passe de la position assise à debout, la fréquence est de plus en plus importante, donc je m'inquiète de plus en plus… Je suis complètement désagréable avec tout le monde (ils n’y sont pour rien pourtant, les pauvres). En plus je commence à avoir des douleurs par-ci par-là.
Je me rends compte que, parfois quand je marche, ma jambe droite ne répond pas correctement aux commandes de mon cerveau… Heureusement mon rendez-vous chez le généraliste arrive ! Lors de la consultation, cette sensation bizarre jambe + tête + pertes d’équilibre + vertiges se produit. Je suis obligé de me rasseoir sur une chaise deux secondes pour me reprendre. Imaginez la tête de mon docteur qui me dit : « Votre état m'inquiète, je ne peux pas vous laisser comme ça. Je vous prescris une IRM médullaire et cérébrale EN URGENCE et une prise de sang aussi ! ».
Waouh ! Je vois son visage et je me dis que oui, là ça a l'air grave… Mais de toute façon je voyais bien qu'il y avait un truc bizarre au cerveau !
Je sors en totale panique, je suis complètement fatigué ! Je me dis que si le généraliste est autant inquiet, c’est que ça doit être vraiment grave. Il était presque gêné de me laisser repartir avec mon épouse en attendant les résultats. Le lendemain, je fais tous les centres d’IRM (j'ai presque été obligé de pleurer pour avoir un rendez-vous en urgence) sinon il fallait attendre une semaine ! Une semaine, ce n’est rien vous me direz, mais la fréquence de ces sensations était de plus en plus importante et je ne voulais pas me mettre en arrêt maladie. Au travail, il n’y avait pas de remplaçant. Je devais vite repartir pour finir de mettre en place les équipes, organiser leurs roulements et nommer des chefs d’équipes sur qui je pourrai m’appuyer. Tout ça n’est pas aussi simple que ce que l’on croit.
Enfin, je réussis à avoir une IRM pour le lendemain. Résultat : « Trois hypersignaux de la substance blanche périventriculaire quantitativement et topographiquement non spécifiques d'une leucopathie démyélinisante pouvant faire l'objet d'une surveillance et d'un avis spécialisé. ».
Bref, je n’y comprends rien. C’est du chinois pour moi, mais je sais que ça peut être grave, vu la tête de la radiologue. « On voit de petites choses non caractéristiques, mais à votre âge, avoir des tâches au cerveau ce n'est pas normal. Vous auriez 50 ans je ne dis pas, mais là… ». Je n’ai que 31 ans passés, on est en 1995 et on attend un second enfant dans quelques semaines ! « En plus vous avez un problème à la jambe droite ? Allez voir un neurologue, vous savez, il existe plein de maladies neurologiques ! »
Waouh la claque que j'ai prise ! Déjà qu'à la base je suis hyper anxieux, imaginez mon état quand je me renseigne sur quelle maladie je peux avoir.
Le lendemain, IRM médullaire : rien, ouf ! Le radiologue me rassure (il avait l'IRM cérébrale sous les yeux), en me disant que ce n'est rien : « C'est peut-être dans la tête vos symptômes. » Ben voyons, j'invente mes symptômes ! J’avais presque envie de lui dire : « Oui c’est bien dans la tête qu'il y a un problème, puisque j'ai des hypersignaux dans la tête !?! »
Le temps passe et de nouveaux symptômes apparaissent : douleurs articulaires (chevilles, coudes) des deux membres inférieurs et supérieurs, douleurs lombaires, douleurs du type sciatique ou hernie, douleurs aux trapèzes, à la nuque, nausées... ces douleurs je les connais, j'ai ça depuis toujours quand je me lève le matin, mais là c’est plus douloureux.
Un jour, en revenant du travail, j'ai l'impression de peser une tonne, je ressens comme une masse sur le dos. Au boulot, je dois résister pour ne pas travailler. Quand je parle, j'ai une grosse boule dans la gorge et je manque de m’étouffer, bref ce n’est pas la joie… Je me repose et ça passe.
Je vais revoir le docteur après les IRM, il me parle de possibilité de début de maladie neurologique et elle appelle un confrère neurologue qui me déniche un rendez-vous le lendemain dans le service de neurologie à hôpital Henri Duffault. Vous me direz « waouh c'est chouette » ! Ouais, sauf que celui-là me fait des tests (pour vérifier mes réflexes, je pense) et il me lâche enfin : « Je n’en sais rien ». Il ne dit rien. Il ne regarde les IRM qu'après son espèce d'auscultation et là, il me dit : « Vous avez une infection virale, on voit que vous avez une inflammation au cerveau, on doit faire des examens complémentaires ». Il tire une de ces têtes, il ne me dit rien concernant son test des réflexes et il est limite agacé par toutes mes questions. Bref, il est un peu désagréable. J’en ai les larmes aux yeux.
Je me suis demandé après coup : « Comment peut-il savoir que j'ai chopé un virus avec une simple IRM ? » Pour moi, c’est quelque chose de plus grave. J’avais, depuis le début, fait des recherches sur mes symptômes et je ne tombais que sur la sclérose en plaques (SEP) ! Mais il continue : « Ça se soigne, vos symptômes vont durer deux-trois semaines, mais ne vous inquiétez pas, vous allez remarcher et voir normalement. Vous savez, il y a beaucoup de personnes dans ce cas, ça se soigne ».
Je lui dis que ce n'est pas possible d'être hospitalisé, je bosse, je ne peux pas abandonner mes chantiers. Je dois les évaluer et rencontrer les directeurs la semaine prochaine, pour mettre en place des chefs d’équipes qui feront le suivi et transfèreront les données pour les facturations hebdomadaires des entreprises que j’ai sollicitées. Il m’est impossible, pour l’instant, de leur valider les propositions effectuées… Le docteur me dit de le recontacter dans 2 jours, lorsque j'aurais le temps, afin de voir ce que l’on fait.
Durant la semaine suivante, les douleurs continuent. Je retourne voir le neurologue en lui demandant si tous les examens faits hors service hospitalier lui ont bien été transférés et lui demande s’il peut voir avec ses confrère à quoi correspondent vraiment tous les symptômes que j’ai ? Il est ok, il envoie mon dossier à des neurologues qui ne bossent pas à l’hôpital. J'ai un rendez-vous assez rapidement avec l’un de ses confrères. Je m'y rends et il me demande de lui décrire à nouveau tous mes symptômes que j’ai depuis le début. Il évoque la possibilité d’une sclérose en plaques. Ben oui quoi, je suis une cible parfaite : j'ai 31 ans, je suis un homme très très actif, je suis un méga hyper anxieux et stressé de la vie. Finalement, il est d’accord avec le courrier de son confrère neurologue, lequel avait bien évoqué la possibilité d'une maladie neurologique dont la sclérose en plaques étant donné mes symptômes (il ne m'avait rien dit ce premier neuro, mais c’était dans le courrier). Il me propose donc de faire des examens complémentaires : ponction lombaire et prise de sang. Tiens, je me rends compte après coup qu'il ne m'a pas ausculté. On a juste parlé et puis tiens 43 euros dans la poche.
Il me laisse partir en me disant : « Je vous prends un rendez-vous à l’hôpital Rhône Durance pour une hospitalisation. Je vous rappelle, ou bien ce sera le service de neurologie qui vous rappellera ». Je reçois donc un appel. « Chouette, je vais être très vite prise en charge »… Tu parles !
Je commence à appréhender la suite. Tout ce qu'il faut pour provoquer une poussée ! J’entre dans une errance médicale (ça m'apprendra à mettre le travail au premier plan au lieu de penser à ma santé). Je veux juste un rendez-vous pour une ponction lombaire, histoire de confirmer, ou pas, le diagnostic… J’aurais aimé un rendez-vous avec le professeur spécialisé dans la sclérose en plaques, mais j'imagine que les délais sont longs. Je demande quand même : « Pensez-vous que je puisse l'appeler pour avoir un rendez-vous ? ». Au final, je me suis renseigné auprès du réseau SEP de ma région et je prends finalement moi-même le rendez-vous, sinon je serais encore en train d’attendre, si j’avais dû leur faire confiance ! Malheureusement, je sais que nous sommes nombreux à avoir vécu la même situation : l'incertitude, la peur, les médecins qui n'osent pas se prononcer… C'est triste de devoir vivre ça quand on va déjà si mal ! « Ne te laisse pas faire, insiste pour avoir ton IRM, une ponction lombaire, pour revoir un neurologue. Pour qu'on te parle comme à un adulte et qu'on t’explique… Oui je sais, c'est facile à dire après coup ! »
Après des mois de cauchemar avec de la cortisone en doses de cheval, on me met sous traitement : Copaxone®, puis Avonex®, etc. Et maintenant, depuis plus de 16 ans, je suis sous Tysabri®, un traitement de fond en perfusion et, depuis décembre 2021, j’ai des piqûres sous-cutanées (2 injections), afin de pouvoir éviter d’avoir des crises. Et quand j’en ai, ils me font une cure de cortisone en plus…
Depuis je vais bien, enfin si on peut dire. J’ai une vie « quasi normale ». Avec mon épouse, on a élevé 3 enfants, nés en 1990, 1995 et 1999. Je fais beaucoup de marche (malgré mes 2 attelles et mes béquilles), ainsi que du jardinage et beaucoup de petit bricolage. Je profite de chaque instant, car je ne peux pas profiter de beaucoup de choses qui semblent anodines pour certains. Je suis confiné chez moi comme un prisonnier, à part que je suis à mon domicile.
Bien sûr, j'ai conscience d'avoir beaucoup de chance, j’ai encore toute ma famille. Mais je ne suis pas le seul : certains vont bien et se renferment sur eux-mêmes et pensent que la vie est finie. Bref, chaque jour je me dis : « N'aie pas peur et surtout ne stresse pas trop ». C’est ce que je suis obligé de faire depuis 26 ans de SEP : cela m'a appris à rester le plus calme possible, à relativiser, à prendre un problème à la fois et à faire attention à moi. Je suis suivi par une excellente neurologue en Avignon et je vais en hospitalisation toutes les 4 semaines.
À ce moment-là, j’ai des vertiges, des vomissements. Abattement total ! En fait, en sortant de cure, je suis très fatigué et, de ce fait, je fais beaucoup de petits malaises que j’arrive heureusement à gérer.
Désolé, j'ai été très long et bravo à vous si vous êtes parvenus à me lire entièrement (j'ai toujours été nul en synthèse, en français). »
Par Jacky.
❤️ Soutenez l'association Notre Sclérose ! (Exemple : un don de 20€ ne vous coûte réellement que 6,80 €).
🔬 100% de vos dons vont à la recherche contre la sclérose en plaques.