« Hello à toutes et à tous !
C'est un matin ensoleillé de mai 2007. À la sortie du métro à Paris, je n'ai subitement plus de vision à l'œil gauche. Je perds tous mes repères spatio-temporels d'un quartier que je connais bien pour y venir régulièrement en formation. Je suis désarçonnée, comme catapultée dans un lieu inconnu, dans la 3ème dimension. C'est en taxi que je fais les 300 mètres qui me séparent de mon lieu de formation. S'ensuivent 3 jours "à l'ouest" au bout desquels se met en place, une fois de retour dans ma jolie ville de l'Est, une série d'examens médicaux qui vont durer un an.
Un premier ophtalmologue me dit : "Je ne vois rien d'anormal, c'est dans votre tête !"… Je lui réponds que si la vue était située dans les pieds (et je suis polie), ça se saurait.
Un autre ophtalmologue, qui prend le temps d'explorer le symptôme, m'oriente vers plusieurs autres de ses confrères d'autres disciplines (angiologue et j'en passe), jusqu'au service de neurologie en CHU où, comme beaucoup d'entre nous, je passe par la case ponction lombaire et ses résultats qui fixent (enfin) le diagnostic.
Direction le neurologue qui mesure très régulièrement ma motricité et mes réflexes. J'ai retrouvé la vue de mon œil gauche et je mets une année supplémentaire pour accepter de tenter l'Avonex® pour ralentir l'évolution de la sclérose en plaques, malgré mon aversion viscérale pour toute forme de traitement médicamenteux.
Je marche normalement, je bouge, je continue mes sorties en concerts et festivals (mon carburant), la photo, la natation, les voyages et je ne ressens pas de nouveaux symptômes. Au bout de deux ans d'injections d'Avonex®, mon corps me dit STOP. Ma main refuse de manipuler le stylo injecteur et comme je suis très à l'écoute des signes de la vie, j'arrête* le traitement.
Mon mental est au top, je pense avec le recul que c'est une période de déni. La vie m'accorde presque 6 ans de répit durant lesquelles je la croque, avec, comme tout le monde, ses périodes de bonheur et de déceptions. Je vis seule, c'est un choix délibéré qui n'empêche ni la vie sentimentale ni les retrouvailles entre amis, ni les voyages, ni les nouveaux projets photos.
Le pic du bonheur et du bien-être se situe en 2016 lors d'une rencontre amoureuse magique qui me fait entrevoir l'existence que je me suis toujours promis de me donner : une vie simple, paisible, où règnent la gentillesse, les rires d'enfants, la musique et une autre conception du temps.
Mais progressivement, je commence à trébucher en marchant, à perdre l'équilibre, à faire face à des difficultés (passagères heureusement) d'élocution, urologiques, de mémoire et les épisodes d'immenses fatigues se multiplient. Mafalda (le petit nom que j'ai donné à ma sclérose en plaques) est de retour. C'est tout un cheminement mental qui débute alors, une remise en question totale de ma perception de la maladie et de la manière dont je vais réorganiser ma vie. Je prends consciente du déni passé, et je décide d'un nouveau comportement : vivre en co-loc avec Mafalda, me poser quand il faut, me rendre la vie plus facile du point de vue logistique (je travaille désormais, en partie, en télétravail), j'ai obtenu une carte handicap pour accéder aux "places bleues" et je retourne en neurologie cette fois au CHRU de ma ville où l'équipe médicale est au top.
Début 2018, on me propose un traitement de biotine (vitamine B8 pure) censé contrer les effets des poussées. 5 mois plus tard, je me "traîne" littéralement en neurologie où l’on découvre que les effets secondaires** de la biotine peuvent multiplier le nombre de leucocytes qui attaquent la myéline… Bonne pioche, mais je comprends les tâtonnements médicaux et les réactions individuelles aux traitements. Séances de corticoïdes pendant 3 jours, je récupère ma mobilité et on arrête la biotine ce qui fait redescendre en flèche le taux de leucocytes incriminés.
Depuis fin octobre 2018, je teste un nouveau traitement (Rituximab) en hôpital de jour sous forme de perfusions de 5 heures tous les 6 mois. Ce médicament doit en théorie "désactiver" la formation de plaques en "tuant" les leucocytes agressifs. C’est une sorte de chimio ni plus ni moins, sans les effets de perte de cheveux, etc…
J'attends la prochaine IRM pour voir le résultat. Mais je sais au fond de moi, qu'à terme, je n'imposerai pas à mon organisme davantage d'agressions, il a déjà bien "dérouillé" et je privilégie aujourd'hui le bien-être intérieur, la méditation et la connexion de mon esprit avec mon corps et mes projets.
Fini les concerts où je perds l'équilibre dans la foule oui, mais j'en ai tellement vécu que je n'ai aucun regret. Fini la photo ? Non jamais sauf en pleine nature, je fais des portraits des gens et des animaux que j'aime et je construis pas à pas l'avenir de ma vie dans un futur lieu où les contraintes seront réduites au minimum et mes aspirations profondes en harmonie avec l'environnement et la nature. J'ai arrêté de lutter comme une forcenée contre la sclérose en plaques.
Je cohabite avec Mafalda, je lui dis régulièrement : "Fous-moi la paix un moment s’il te plaît, j'ai des trucs à faire, merci". Surtout pas de colère ni de révolte vaine, ainsi va la vie, prenons ce qu'elle nous offre, sourions, elle n'est vraiment pas si moche que ça ! »
"Qu'est-ce qui est passager ? L'inévitable. Qu'est-ce qui est définitif ? Les leçons de l'inévitable". Paolo Coelho, La 5èmemontagne.
Par LeeLOo.
*Note de Notre Sclérose : ne stoppez pas votre traitement sans en parler à votre neurologue.
**Note de Notre Sclérose : les effets secondaires éventuels et leur intensité sont très variables selon les gens.
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