La sclérose en plaques,
c'est vous qui en parlez le mieux.
Le 9 sept. 2024

La sclérose en plaques, par Lucie.

« Quand la vie et la santé
sont fragiles, on en mesure bien plus
la valeur et on la vit à fond. »

« Bonjour,

Je m'appelle Lucie, j’ai 35 ans, je suis infographiste à mon compte à mes heures perdues et maman d'un petit garçon de 2 ans et demi.

En 2015, après des recherches infructueuses pendant des années et on me diagnostique une maladie auto-immune : la maladie de Behçet, qui explique pourquoi depuis 2009 j'ai des pertes de vision avec des séquelles définitives (à cause d’uvéites). J'ai aussi des aphtes buccaux et génitaux, de l'arthrite, des boutons rouges qui grattent, genre varicelle (tout ça pas en permanence heureusement). 
Je refuse les immunosuppresseurs qu'on me prescrit, car (entre autres problèmes que ça génère) il faut une contraception alors que je suis en essai bébé depuis un moment sans y parvenir et que j'ai fait 3 fausses couches. Je décide tout de même d'agir et de m'intéresser à l'alimentation anti-inflammatoire que je suis pendant 2 ans de façon stricte (Note de l’Association : Voir la vidéo du Pr. Laplaud concernant les régimes alimentaires). Depuis, plus aucun signe quasiment de cette maladie, elle est toujours en rémission même si j'ai assoupli le régime avec le temps.

Donc, après ce diagnostic et ce refus de traitement, je continue mon petit bonhomme de chemin. Je suis quelqu'un de très positif, aucun problème de santé que je viens de citer ne m'angoisse ou ne me rend malheureuse. Je me sens en pleine santé, sportive et très contente de ce corps qui, certes déconne un peu, mais me plaît bien.

S'en suivent 6 ans durant lesquels je ne tombe pas enceinte, même pas pour faire une fausse couche. Je me dis qu'il faudrait quand même creuser plus loin, même si je n'aime pas trop creuser. Pas que ça m’angoisse, mais je sais que chez moi quand on creuse, on trouve !

Bon… On a vite trouvé avec une IRM pourquoi les bébés n’ont pas envie de s'accrocher dans ma maison nommée utérus. Il est pollué par des lésions d'endométriose. J’hésite, mais j'ai déjà 33 ans à ce moment-là je me dis qu'il faudrait que j'accepte une opération nommée coelioscopie qui va venir nettoyer tout ça. Pas de PMA, ça ne nous plaît pas. On me propose un traitement pour épaissir mon sang mais ça me dit moyen. L'opération ne m'angoisse pas, donc Let's go (je cherche un truc qui m'angoisse, je n’ai toujours pas trouvé…). 
6 mois plus tard je tombe enceinte ! Victoire. Car même si ce petit ne s'accroche pas, au moins il a accepté d'essayer. Il reste. Mon fils naît en octobre 2021, j'accouche à la maison dans l'eau, un moment incroyable, journée de rêve. Parenthèse : j'ai mis 2 bonnes années à comprendre réellement que j'étais maman. Un jour chez la nounou, une maman a parlé de moi en disant « c'est la maman de Sami ». Je me suis dit « Ah ouais… ». J'ai mieux intégré le truc. Après 10 ans d'attente mon cerveau a eu du mal à réaliser.

3 mois après cet accouchement je perds de la vision cette fois de mon seul œil qui va bien (10/10 il passe à 4/10). L'autre a trop été endommagé par le passé il n'a que 1 ou 2/10 définitivement. Du coup quand je regarde le visage de mon bébé, je ne sais pas s'il a le visage propre ou sale. Je ne vois plus les détails. Je le reconnais en le voyant de près mais ce n'est pas du 4K ! Je ne suis pas loin de la canne pour me déplacer dehors. J'appelle pour avoir un rendez-vous en urgence chez l’ophtalmologue, comme je l’ai toujours fait quand ma vision baisse. Toujours pas angoissée, j'y vais tranquillou.

On me fait des examens et là… pas d'inflammation, pas d'uvéite. Perte de vision sans aucune explication ! On me fait donc passer une angiographie je crois et surtout une bonne vieille IRM cérébrale comme j'en ai déjà eues il y a longtemps. Je prends le traitement local qu'on me donne avec des gouttes. Et comme une andouille, prise par le quotidien, je ne fais pas interpréter mon IRM parce que ma vision revient : œil gauche 1/10, œil droit 10/10 youpi. Ma perte de vision n'a duré que 3 semaines.

2022-2023 : quand je baisse la tête ça me met des fourmis dans les jambes. Ça s'appelle le syndrome de l'Hermite. Je connais parce que mon père, ma sœur, mes deux tantes et ma grand-mère ont une sclérose en plaques. Très probablement je l'aurai aussi un jour. Comme vous l'avez deviné ça ne m'angoisse pas. 

Avril 2024 : des fourmis dans les jambes, dont une qui chauffe. J'ai cherché pendant une heure sur quel chauffage j'avais pu coller ma jambe pour que ce soit chaud comme ça ! J'ai vite compris que c'était elle même qui générait cette drôle de chaleur. Trois jours plus tard, je ne sens plus la peau de mon ventre. Les caresses sont désagréables (quel dommage !). Je sens aussi des fourmis dans le bras gauche, si je cherche bien. Et puis cette jambe gauche qui se traîne je commence à boiter et je cours mal.
Ça fait une semaine que tout a commencé, mon conjoint me dit qu'il faudrait peut-être prendre un rendez-vous avec le médecin généraliste, c'est peut-être la maladie de Behçet qui fait une thrombose veineuse ou une sclérose en plaques. Je suis sage, j'ai la flemme, mais je l'écoute. C'est vrai que ça ressemble vachement quand même.

Ma médecin m'ausculte et me dit que c'est pas du tout une thrombose veineuse, qu’il faudrait aller tout de suite aux urgences à Mont-de-Marsan (à 1 heure de chez moi), parce que ça sent le truc neurologique à plein nez. Je suis pas du tout étonnée, la sclérose en plaques et moi, c'est peut-être le début de notre histoire.
Je fais mon sac avec tout le nécessaire pour rester à l'hôpital quelques jours, et j'y vais en bus (mon mari s'étant absenté avec mon fils). Une fois le bus arrivé, je me traîne à pied une demi-heure avec un panneau « Hopital Layné urgent » pour qu'on me prenne en stop et que je gagne du temps. Je me suis crue dans les années 70 ! Ça n'a pas marché évidemment. C'est le jour de mon anniversaire. J'ai 35 ans.
Aux urgences, tout le monde est super sympa, on rigole bien. On me fait une IRM cérébrale, médullaire et je fais connaissance avec mon neurologue. Il me chatouille avec un instrument et on parle de mes antécédents familiaux bien chargés. Voyant mon calme et mon sourire, il n’y va pas par 4 chemins, c'est quasiment certain que c'est une sclérose en plaques mais il faut faire une ponction lombaire et attendre d'avoir les résultats. Je vais m’envoyer quatre bolus de Solumédrol® et rester à l'hôpital quelques jours.

Je suis aux anges : 4 jours sans m'occuper de mon fils (mignon mais fatigant) et on va me servir à manger dans mon lit… VACANCES, PARADIS.
Il y a une gentille mamie dans ma chambre qui parle très peu (parfait). Je poursuis, sur ma tablette, l'écriture de mon roman qui me passionne. Ça fait longtemps que je voulais me reposer seule. La solitude, j'adore ça.

Ponction lombaire, tout le monde dit que ça fait mal : je suis sûre que ça ne l'est pas tant que ça, comme d'habitude. Effectivement ce n’est pas vraiment douloureux. Le neurologue bouge un peu l’aiguille et il y a ma jambe droite qui bouge toute seule ! Puis, il bouge encore et paf ! C'est ma jambe gauche. Je me suis retenue de ne pas rigoler (avec une aiguille dans la colonne c'est pas le moment).
Toute bonne chose a une fin : je me suis pris une semaine et demie d'effets secondaires carabinés de cette ponction lombaire. Nausées à ne plus pouvoir manger, maux de têtes violents quand je me lève pour aller aux toilettes. Le neurologue m'a dit qu'une femme de mon âge avec un IMC bas comme le mien, c'est assez normal.
Je suis donc restée plus que prévu à l'hôpital, mais un jour j'ai voulu sortir et rentrer chez moi à cause d'un événement drôle et traumatisant à la fois.
Une nuit, à 3 heures du matin, un vieux monsieur sénile est venu s'assoir tout nu sur mon lit. Ça m'a réveillée, j'ai cru que c'était un zombie pendant 2 bonnes longues secondes. J'ai discuté avec lui pour le maintenir loin de moi car je ne pouvais pas sortir du lit, j'ai appuyé sur le bouton « infirmières », mais elles ont mis un temps fou à venir. Il est reparti en laissant des excréments sur le drap. Ils ont donc tout changé tandis que je devais me maintenir debout avec cette personne invisible qui me mettait des coups de batte dans la tête depuis cette ponction lombaire. 

Une fois chez moi, retour au paradis : mon adorable mari aux petits soins qui cuisine divinement bien. J’arrive à manger, toujours alitée, je n'étais pas responsable de mon fils. Le repos peut continuer et tout rentre dans l'ordre. J’ai rendez-vous avec le neurologue un mois plus tard (j'amène mon IRM d'il y a deux ans, non interprétée). La ponction lombaire confirme bien la sclérose en plaques et l'IRM d'il y a deux ans, montre une névrite optique. C’était ma première poussée. Il préconise un traitement de fond : Tecfidera®. Je ne suis pas fan, mais vu les nombreuses taches dans le cerveau et la moelle épinière ce serait intéressant d'essayer.
Je dis oui, j'essaye. Pendant 2 semaines c'est ok, puis des maux de ventre insoutenables* arrivent et durent pendant plusieurs jours. Ce n'est pas tenable, j'arrête et je l'informe. J'ai rendez-vous cet après-midi pour voir ce qu'on fait…

Après mon hospitalisation je suis revenue chez moi sans gras ni muscles, il restait quand même un squelette mais ce n'était pas très joli. Je me suis inscrite à la salle de sport et depuis je fais de la musculation (j'ai toujours adoré ça). Ce corps m'est donc revenu bien plus beau et performant qu'avant. La sclérose en plaques m'a motivée à profiter de ce qui fonctionne quand même encore très très bien. Toutes mes fourmis ont disparu, je les sens juste un peu quand je marche, quand je cours. Ce n'est pas gênant. 

Cette maladie, comme tous mes problèmes de santé antérieurs, c'est vraiment un gain de plein de choses. Pas le temps à perdre en plaintes, en peurs, en sentiments négatifs. Quand la vie et la santé sont fragiles, on en mesure bien plus la valeur et on la vit à fond. »

Fin de mon témoignage.
 

Et voici une lettre ouverte à ma sclérose en plaques :

« Chère sclérose en plaques,

Ça fait longtemps que je te connais, tu es dans ma famille paternelle depuis des années. Mon père, ma sœur, mes deux tantes et ma grand-mère. Tu les accompagnes sans trop faire de dégâts. Mon père ne te déteste pas, il parle assez peu de toi. Il est un peu distant, j'espère que tu ne lui en veux pas. Ma sœur, par contre, a peur de toi. Tu la laisses vraiment tranquille, peut-être que tu prends ses sentiments en compte, c'est sympa.

Tu comptes m'accompagner aussi à ce qui paraît, c'est le neurologue qui me l'a dit. Mon cerveau et ma moelle épinière sont tachés comme un dalmatien ! Il a vraiment envie de te mettre une muselière. J'ai essayé quelques jours, un dernier cri qui coûte cher, ce n'était pas une réussite ! 

Je discute sur les forums avec des gens que tu as choisis aussi d'accompagner (on est vachement nombreux). Beaucoup te détestent et sont en colère après toi. C'est un sentiment qui ne me vient vraiment pas. Je n'ai ni envie de te détester ni envie de te mettre une muselière. Je pense que tu peux m'apporter beaucoup de choses pour le temps qu'il me reste à vivre. Cette dernière donnée m'est inconnue et grâce à toi je la médite souvent.

Comme tous les êtres humains, j'oublie à quel point « voir » c'est bien. J'oublie à quel point marcher en forêt c'est bon. J'oublie que de sentir ma peau quand je la touche c'est chouette. Ce sont des choses que tu pourrais m'emprunter du jour au lendemain donc tu m'en fais prendre conscience. Je devrais te payer pour tes services ! Je n'arriverais pas à profiter de la vie à ce point si tu n'étais pas là. 

La balade en canoë la semaine prochaine, je n'aurais pas osé. Je me chamaillerais beaucoup plus avec mon mari, pensant que tel ou tel détail est important alors que pas du tout. Je ne me serais pas abonnée à la salle, parce que « c'est trop cher, trop loin ».

Si tu me prends l'oeil qu'il me reste, je vais mieux goûter au plaisir d'entendre. Si tu me prends mes jambes - avec les fourmis qui courent dessus - je vais avoir les bras bien musclés (j'ai du mal à muscler mes bras). Je pense avoir la force d'accepter tout ce que tu peux prendre parce que la montagne de richesse dont je dispose est trop grande pour être fragilisée avec quelques bouts en moins. Peut-être que les gens qui veulent ta peau quoi qu'il en coute - quitte à se gâcher la vie - ne voient pas cette montagne ?

Le sommet de cette montagne qui est mienne est composé d'un mari dévoué et empathique. C'est aussi un problème parce que la seule chose qui m'inquiète réellement dans toute cette histoire, c'est qu'il fasse le Saint-Bernard. Sans muselière, lui non plus. S'affairant jour et nuit à pallier mes faiblesses physiques sans limites. Je ne voudrais pas lui enlever sa liberté, ses projets, son entrain à faire tout un tas de choses. Je sais que ça peut lui profiter aussi quelque part mais je ne maîtrise pas son mental comme je maîtrise le mien (ce serait glauque…). 

Mon fils ne serait pas gêné si je ne pouvais pas faire tout ce que font les autres mamans. Pourquoi ? Parce que je lui enseignerai tout ce que tu m'apprends. Sans même avoir besoin de parler. Sans qu'il ait à te côtoyer personnellement. Il en aurait les bénéfices sans les inconvénients. Il s'en souviendra quand je ne serai plus là. On est d'accord que ça n'a pas de prix.

Les gens ne vont pas réagir positivement à te voir trop tourner autour de moi. Tu leur fais peur. Notre proximité leur provoque de la tristesse et même possiblement de la pitié. Ça peut un peu gâcher notre relation, je vais tout faire pour éviter. Ça part de bons sentiments il ne faut pas que je l'oublie.

Mes beaux-parents sont mignons, ils veulent que je me fasse piquer par des abeilles, il paraît que ça t'éloigne. Ils ne me demandent rien d'autre que des nouvelles de toi. C'est dommage, avant on parlait de plein d'autres choses…

Demain j'ai rendez-vous avec le neurologue, il a vraiment envie d'essayer une nouvelle muselière je crois… Je ne suis pas très motivée, toi non plus j'imagine… On verra bien. Je te tiens au courant.

A+, des bisous ».

Par Lucie.

Note de Notre Sclérose : 
*Les effets secondaires éventuels et leur intensité sont très variables selon les patients. Pour en savoir plus sur les traitements, lisez notre article rédigé par des professionnels de santé.

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2 commentaires
16/09/2024 à 23:15 par Stéphanie
Magnifiques mots sur des maux

10/09/2024 à 03:57 par Hélène
Quel joli témoignage et quelle force ! J'espère que la sep vous laissera tranquille ! Hâte de lire la suite 😊

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