« Bonjour,
1998… J'ai 24 ans et je m'apprête à passer mon DESS administration locale. Pourtant, quelque chose de pas normal m'embête beaucoup, j'ai un gros voile sombre à l'oeil, super énervant mais bon. J'y vais quand même. Pendant l'épreuve, ma grand-mère s'éteint à l'hôpital. J'entre sans le savoir dans le monde de la sclérose en plaques. Un présage peut-être…
Je m'appelle Carine, j'ai aujourd'hui 34 ans, 10 ans que je vis avec elle, de plus en plus présente, de plus en plus insidieuse, me fichera-t-elle un jour la paix ???
Cette histoire de vision me conduit à la clinique où je subis une batterie de tests. Objectif des médecins : s'assurer que je n'ai pas une tumeur au cerveau. L'idée ne les effleure même pas que c'est peut-être autre chose. Pourtant champs visuel mauvais, test refait un peu plus tard, toujours mauvais, mais bon, personne ne s'affole. L'ophtalmo dit "inflammation de la papille", cortisone en cachets durant quelque temps et la gêne s'atténue. J'aurai des séquelles pendant 4 ans au moins, sans savoir. Quatre ans de paix me direz-vous. Parce que justement 4 ans plus tard je me lève un matin avec une jambe en moins, rien, toute molle. Le généraliste, aussi doué que l'ophtalmo, dit : "C'est de la spasmophilie !" et me donne des petites pilules oranges. Bien sûr, ça ne passe pas, j'y retourne. Spasmophilie, toujours, d'après ce brillant lauréat de la fac de médecine (!!!). Mon père s'inquiète : "faudrait peut-être l'envoyer voir un neurologue". Le toubib s'exécute : RV est pris en clinique. Entre temps, pour se rassurer, on fait un scanner : c'est peut-être la colonne vertébrale, une hernie, que sais-je ? Le rhumato me donne de la cortisone, il se doute de quelque chose je pense. Corticoïdes en cachet pendant quelques jours, je retrouve peu à peu ma jambe. Mais le neuro y voit vite clair lui. Les tests que vous connaissez tous, quelques questions, et ce monsieur m'envoie illico faire une IRM et une ponction lombaire. Il nous confie ce qu'il pense : sclérose en plaques. Boum, c'est comme un verdict dans une cour de justice, le coup de marteau sur la table… Larmes dans les yeux de mes parents, on le savait mais on ne voulait pas y croire. Je me dis bien sûr que jamais je ne pourrais survivre. Et bien j'ai survécu.
Deux poussées plus tard, dont une très douloureuse (sensation d'être assise sur une planche à clous en plus d'une belle parésie du bassin et des jambes sans parler de la sensation de marcher sur des cailloux), je commence un traitement de fond : l'Avonex®.
Que de souffrances, que de mensonges ! J'ai mis dix ans pour en parler à mon entourage, à mon boulot. Peur d'être renvoyée, peur des réactions, peur des petites histoires des uns et des autres et peur que jamais personne ne veuille de moi. J'ai vu une psy au début, j'ai eu droit aux anti-dépresseurs et autres anxiolytiques, j'ai connu ces nuits affreuses où on se réveille en sueur avec une furieuse envie de se jeter par la fenêtre. J'ai raconté au travail que j'allais faire les boutiques entre midi et deux alors que j'étais en consultation à l'hôpital.
L'année de la découverte de ma maladie j'ai survécu à l'explosion d'AZF (mon bureau était à 300 m) et j'ai surpris des cambrioleurs chez moi ! Après tout ça, il y a forcément un soleil qui brille quelque part. Je l'ai aujourd'hui trouvé. Je partage ma vie avec un garçon merveilleux qui me tient la main à chaque instant, j'ai un travail, nous avons acheté une maison, avec escalier ("et si tu peux plus, ben c'est pas grave, on la vendra !!!"), nous avons un chien extra avec qui nous faisons plein d'activités (agility, frisbee…) et, enfin, avec le soutien d'une neurologue extraordinaire, je parle enfin. Mais la maladie est toujours plus présente. Mon périmètre de marche est super limité, je suis tout le temps crevée, mon injection m'a provoqué des effets secondaires atroces (paralysie totale et fièvre de cheval toute la nuit), mais je lutte, ou plutôt on lutte. Je suis passée à demi-dose et je supporte mieux, quand ça ne va pas au travail, je le dis. J'ai encore du mal à accepter la canne, j'essaye le plus possible de faire sans.
Je m'apprête à demander une carte de stationnement, même si je sais qu'il y aura toujours des abrutis pour me faire des remarques. Notre drame, et notre chance en même temps, c'est que ce n’est pas écrit sur notre front. Des fois, ça se voit pas. Des fois, oui. C'est comme ça. Le plus à mes yeux c'est d'apprendre à vivre avec elle, parce que même quand on l'oublie, elle se rappelle à nous. Voilà en gros mon histoire. Et je suis heureuse de pouvoir la partager avec des gens formidables qui vivent ce que je vis, qui ressentent ce que je ressens et qui ont un parcours psychologique tellement fort et courageux. Finalement, ce "quelque chose en plus" nous rend plus fort face aux tracas de la vie quotidienne.
Je craque parfois bien sûr mais j'arrive aussi parfois à la mettre à terre. Non mais !!! »
Par Carine.
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Aujourd'hui 14 ans après ce témoignage, qu’êtes vous devenue ? Avez vous trouvé un traitement adéquat, qui vous offre une meilleure qualité de vie. J’espère que vous pouvez toujours monter les escaliers et vous avez trouver un équilibre dans cette vie où nous devons jouer les équilibristes. Je vous souhaite plein de bonnes choses et une vie heureuse. Nathalie