« Très chers lecteurs,
Ça fait longtemps maintenant que j’ai fait ma première intervention sur ce site (lire son premier témoignage). J’avais longtemps douté de ma légitimité à rouspéter et finalement, en vous écrivant, j’ai enfin ressenti une vague d’apaisement, un peu comme quand on a fini de pleurer, on se sent vide mais léger.
Cela fait maintenant un an que je vous ai écrit, et ce matin, je me remémorais le bien que cela m’avait apporté lors de la rédaction de mon témoignage et les commentaires de soutien m’avaient profondément touchée.
Alors me revoilà, fatiguée mentalement, déprimée par moment mais surtout, en colère.
Je pensais que la colère faisait partie de la première phase d’acceptation, et bien, je me rends compte que non.
Je suis en colère contre mon corps qui a accepté de se faire piéger, je suis en colère contre ma famille qui ne peut strictement rien faire, à part me regarder les yeux plein de larmes, je suis en colère contre mes médecins qui me disent qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, je suis en colère contre mon psychologue qui ne sait rien faire d’autre que m’écouter, je suis en colère contre mon copain qui ne retient aucun de mes rendez-vous médicaux et qui ne vient pas non plus me voir à l’hôpital les jours de mon traitement (il travaille ou n’a pas le temps et je suis censée bien réagir), je suis en colère contre mon frère qui pense que je suis la plus forte du monde et que je suis là pour lui, je suis en colère contre mes parents : ma mère se fait bouffer par la culpabilité et mon père minimise les choses parce que c’est sa technique de défense. Je suis en colère contre mes amis qui me croient toujours super forte mais ne me posent jamais la question autrement que de manière superficielle.
J’en ai tellement marre qu’on me dise : « ATTENDS DE VOIR ». Ce que les autres ne comprennent pas c’est que ce n’est plus possible pour moi d’attendre sans savoir !
Alors oui, tout le monde dit « On ne sait pas de quoi sera fait demain » mais ça c’est une phrase que les « bobos-hippies » aiment se dire quand ils se laissent porter par le vent, mais quand on doit prendre en compte tous les paramètres qui quadrillent votre vie parce qu’il s’agit de votre santé, on est obligé de se préparer à toutes les éventualités.
Oui, qu’on soit malade ou pas, on a la même chance de se faire renverser par un bus le lendemain. Mais on ne se confronte jamais de manière délibérée aux mauvaises nouvelles qui peuvent vous arriver dans la vie quand on n’a pas de raison de les imaginer.
Pour faire simple, avant qu’on me diagnostique la sclérose en plaques, je ne me réveillais pas le matin en me disant : « Tiens, aujourd’hui j’ai autant de chance de me faire renverser par une voiture sur un passage-piétons que d’avoir un cancer du sein. ». Et en rentrant le soir : « Encore une belle journée terminée dans le monde des vivants ». Non.
Maintenant que mon étiquette « patiente » a été imprimée, je me demande tous les matins : « Est-ce ce que je vais pouvoir marcher toute ma vie ? ». Le doute m’angoisse.
Le pire c’est que je suis une jeune femme sûre d’elle, droite dans ses bottes, j’anticipe et organise ma vie constamment (comme toute les femmes), et quand il y a un imprévu, je râle mais je fais facilement avec. J’ai toujours organisé ma vie sur des mois, pour me projeter, pour me donner envie ou même des objectifs.
Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être actrice d’un film dont le réalisateur ne veut pas me dire la fin alors que c’est moi qui vais jouer la scène finale.
Parfois je me dis qu’une mauvaise nouvelle c’est sûrement mieux que pas de nouvelles du tout, un peu comme quand vous êtes amoureuse d’un garçon et que vous ne savez pas si vous lui plaisez. On sait tous que prendre un bon gros « râteau » c’est plus efficace pour aller de l’avant plutôt que de ne jamais savoir et vivre avec des regrets.
Et pourtant, on est obligé de « vivre avec » ce sentiment d’incertitude et ça me fout en rogne.
La dernière chose contre laquelle je suis en colère c’est l’invisibilité des symptômes, comme si ne pas savoir d’où ça vient et ce que ça va faire comme dégâts ne suffisaient pas.
Je sais que les symptômes invisibles ne sont franchement pas simples à vivre : d’un côté, on est content que personne ne les remarque et d’un autre, on en veut aux autres de ne pas les voir. J’ai envie que les gens le prennent en considération et en même temps, je n’ai aucune envie de recevoir de la pitié de leur part.
Le regard et le soutien sont des choses si complexes, quand on y pense…
Je finis toujours par me dire qu’on a tous nos problèmes et que celui-ci n’est que le mien.
C’est à moi de décider si ça va me ronger de l’intérieur ou pas (battante comme je suis) et pourtant, je sens que parfois mon cerveau se complaît dans le mal-être et accepte, voire même demande, à avoir des idées noires.
C’est un peu comme quand on a juste envie de pleurer un bon coup et qu’on écoute volontairement des chansons déprimantes…
Parfois, j’ai l’impression de crier, mais je m’étouffe moi-même.
Mon corps et mon esprit sont deux entités en constante contradiction.
Il y en a toujours une qui baisse les bras et l’autre qui lui remonte le moral.
À chaque nouvelle sensation, je m’interroge : « Est-ce que c’est la sclérose en plaques qui gagne du terrain ou est-ce que je fais une fixette ? Est-ce que je dois en parler à ma neurologue ? Est-ce que je me pose la question parce que je sais que j’ai une sclérose en plaques ? Si je n’étais pas malade, est-ce que je l’aurai relevé ? ».
Le combat de toute une vie a été amorcé le jeudi 11 août 2017 : je sais que j’en sortirais vainqueur.
La question qui subsiste : « Dans quel état vais-je terminer ce combat ? ».
Un discours plein de colère se termine généralement par une prise de conscience saine.
Je suis soulagée d’arriver à mes dernières lignes avec un sentiment de plénitude.
Je vous encourage à pousser votre gueulante, on a tous le droit de le faire, et bon sang, ce que ça fait du bien !
Merci à cette l'Association Notre Sclérose de laisser la parole à ceux qui ont besoin de s’exprimer. »
Par Lisa.
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