« Bonjour à tous,
Moi, c’est Audrey. Je suis mariée et j’ai 2 adorables garçons de 13 et 4 ans.
Suite à un trouble sévère et brutal de la vision en juin dernier, mon ophtalmologue me confirme une névrite optique à l’œil gauche. Je passe de 9/10ème à 1/10ème d’acuité visuelle. Il ne veut pas m’alarmer, mais me prescrit une IRM cérébrale et me dirige vers un neurologue pour la suite.
Les semaines passent et petit à petit, je retrouve la vue. Le radiologue ne m’inspire pas confiance, je sens qu’il est fuyant. Je repars sans compte rendu et il me dit qu’il montrera les images à son collègue qui est plus spécialisé que lui pour interpréter une légère lésion, peut-être inflammatoire.
Même si au fond de moi je comprends qu’il y’a quelque chose d’anormal, ça m’arrange de ne pas être confrontée à la réalité à ce moment-là.
Je pars en vacances et à mon retour tout s’enchaîne… J’ai un appel de l’hôpital de jour du service neurologie pour faire une batterie d’examens (ponction lombaire, prise de sang, visite neurologue). Le rendez-vous est posé, ce sera le 29 août 2023, le jour de mes 38 ans. Ce jour-là, je suis accompagnée de mon mari et durant l’attente dans ce couloir, j’ai l’intime conviction que ce lieu va me devenir familier.
Le verdict tombe le 6 octobre, la ponction lombaire et l’IRM médullaire confirmant une sclérose en plaques.
Avant même l’annonce, je m’effondre, je sais ce que le neurologue va me dire, je ne suis pas prête à l’entendre. Les premiers mots sortiront de ma bouche et lui ne viendra que confirmer l’impensable. Je n’y crois pas, c’est impossible et c’est injuste.
J’ai peur, je connais les possibles conséquences de cette foutue maladie et d’ailleurs elle m’a montré pendant quelques semaines ce que ça faisait de perdre la vue d’un œil. Je travaille auprès de personnes et d’enfants en situation de handicap depuis 18 ans et d’un coup, je passe de l’autre côté. Mon monde s’effondre.
À ce moment précis, une image étrange s’impose à moi et ne me quittera plus : je suis au mariage de mon fils aîné et je le regarde tendrement depuis mon fauteuil roulant.
Dans les jours qui suivent, je relativise : mon mari semble plus effondré que moi et je dois rassurer ma famille. « Arrêtez de pleurer ! Il y a pire… Ce n’est pas un cancer, je ne suis pas mourante ». Dans les mois qui suivent je culpabilise, je suis une maman et une épouse avec des problèmes de santé récurrents, fatiguée, en colère contre la terre entière et qui n’a aucune patience. Ce sentiment d’injustice me colle à la peau, pourquoi le sort s’acharne-t-il ? Pourquoi dois-je vivre dans un corps douloureux ? Après des années d’errance, on m’a diagnostiqué en 2015 une endométriose qui a donné lieu à une chirurgie, puis à un parcours du combattant avec une PMA. Il y a 2 ans, je me suis également retrouvée immobilisée pendant plusieurs mois suite à une hernie discale et une sciatique. Il m’a fallu un an pour ne plus en souffrir et retrouver une vie ordinaire. Et maintenant, ÇA !
J’ai un traitement depuis décembre et pour le moment je n’accepte pas cette annonce, j’en suis encore au stade de la colère et je passe par des moments de dépression.
Ton entourage est présent au moment de l’annonce et compatissant, mais très vite il s’attend à ce que tu passes à autre chose, surtout quand tes handicaps et symptômes sont invisibles. Il oublie, mais moi pas.
Moi je vis avec chaque jour, sans savoir quand elle va frapper ? Quelle conséquence ? Et s’il y en a, pour combien de temps ?
La vérité c’est que je vis dans la peur et l’appréhension. Il y a cette contradiction sans cesse, qui fait que j’ai envie de hurler quand la première chose qu’on me demande c’est : « Comment tu te sens ? Tu n’as mal nulle part aujourd’hui ? ». Et quand on ne voit en moi que quelqu’un de malade. Mais je suis aussi en colère quand il y a cette indifférence, parce que je suis debout sur mes 2 jambes, je marche, alors la sclérose en plaques « c’est pas si handicapant ».
Et pourtant, ma sclérose c’est un sacré merdier, c’est des douleurs neuropathiques, des jambes douloureuses, une fatigue physique et mentale, des troubles de la vue, des vertiges, des fourmillements dans les mains, les jambes, des sensations de brûlure, des picotements, des troubles de la mémoire, des troubles de l’attention, etc.
J’aime de moins en moins les moments de retrouvailles, les bruits, les conversations multiples en fond, l’agitation… Lors de ces moments, je ne suis pas vraiment-là. J’entends, mais je n’arrive pas à écouter et je n’arrive pas à suivre la discussion. Je suis parasitée par tout ce qui m’entoure. C’est épuisant pour moi et intolérable socialement. Je cherche des mots qui ne viennent pas, j’ai des problèmes d’élocution, j’ai des difficultés à tenir un stylo ou à appréhender l’espace.
Bien sûr ce n’est pas tous les jours, pas tout en même temps, mais c’est suffisant pour changer la personne que vous étiez avant. Je ne fais pas partie de ces personnes, dont je suis très admirative, qui trouvent un sens à la maladie. Je ne vais pas écrire de livre, monter d’association, ou encore me lancer dans des exploits sportifs. J’ai toujours été de nature à contrôler le moindre détail de ma vie, à être dans la maîtrise. La vie fait bien les choses et aujourd’hui, je sais qu’il n’y a pas de hasard à ce que cette épée de Damoclès me soit tombée dessus.
Cette maladie rebat les cartes et peut-être que bientôt je verrai tout le positif que j’ai pu en tirer. En attendant je m’obstine à la combattre, comme si c’était inévitable pour moi de passer par cette étape, même si je sais que c’est un combat perdu d’avance qui ne fait que me prendre le peu d’énergie que j’ai certains jours.
Pour ma famille, j’espère vite passer à autre chose, elle aussi subit les effets de la maladie. »
Par Audrey.
🧡 Soutenez l'association Notre Sclérose ! (Exemple : un don de 20€ ne vous coûte réellement que 6,80 €).
🔬 100% de vos dons vont à la recherche contre la sclérose en plaques.
Je me retrouve à 100% dans votre témoignage. Mon diagnostic est tombé mi-mars, suite à une névrite optique. Malgré les bolus de corticoïdes et les échanges plasmatiques ma vue est toujours aussi floue. Ma vision me renvoie chaque fraction de seconde à la maladie.
Depuis, plein d'autres symptômes apparaissent puis redisparaissent, chaque jour je me questionne sur ce qui va me tomber dessus aujourd'hui.
Moi si active, si prévoyante, dans la maîtrise de tout, je ne me reconnais plus à l'heure actuelle. Je ne sais pas comment je vais surmonter cela, mais à ce jour je suis au fond du gouffre, malgré mes enfants et mon mari très présents.
Je ne supporte plus d'entendre les autres se plaindre de leur mal de genou, mal de gorge, je ne supporte plus que l'on me demande comment ça va. Car comment ça peut aller ? Ma vie est complètement foutue, mon projet professionnel va devoir être abandonné, mon projet d'acheter une nouvelle voiture également (je ne roule presque plus à cause de ma vue).
Bref le cauchemar total.
Courage à vous tous