« Bonjour,
Tout a commencé en novembre 2019 !
Je m’appelle Henriette, j’ai à ce moment-là 28 ans, je suis en couple et nous avons un petit bout de 5 mois.
Voilà mon histoire.
Je me suis levée un matin avec une petite gêne à la joue, comme si je sortais de chez le dentiste et qu’il m’avait fait une mini-anesthésie. Ayant déjà été sujette à une névralgie faciale, je ne m’inquiète absolument pas et je me dis que c’est sûrement dû au stress ou à la fatigue.
Après quelques jours, la joue va mieux mais c’est dans ma main droite que je commence à ressentir des fourmillements…
Cela dure un peu, ma maman me conseille donc d’aller voir un neurologue.
Une fois chez lui, il ne me dit rien de spécial. Il me propose simplement de passer un électromyogramme. Nous avons les résultats assez vite. Rien d’alarmant ! On me dit qu’il y a une petite anomalie au niveau du nerf optique et que le mieux c’est de passer une IRM mais rien d’urgent.
Nous sommes à ce moment-là à la mi-décembre et je suis censée prendre l’avion le 19, pour passer les fêtes de fin d’année en Italie.
J’essaye de prendre rendez-vous pour une IRM mais la prochaine possibilité est en février 2020.
Mon inquiétude est donc de savoir si je peux prendre l’avion, ou pas, mais personne ne sait quoi me répondre.
Ces fourmillements à la main ne disparaissent pas et c’est ma cuisse qui commence à me paraître bizarre. La sensation est difficile à expliquer.
Nous sommes donc dans le flou mais je continue mes activités normalement…
Je vais maintenant m’exprimer avec des dates car c’est plus facile pour moi.
Lundi 16 décembre : le soir, je joue un match de foot et je m’en sors plutôt bien malgré ma cuisse. Seulement, sur le chemin du retour, ce sont mes yeux qui me gênent. Il fait noir et je suis fatiguée c’est sûrement pour ça !
Mardi 17 décembre : je continue mes activités, je prépare nos valises pour partir mais ma main, ma jambe et mes yeux me gênent toujours.
Je remarque que mes pupilles bougent toutes seules.
Mercredi 18 décembre : derniers préparatifs, des courses à gauche à droite mais ma vue me gêne de plus en plus, j’essaye donc d’avoir un rendez-vous en urgence chez l’ophtalmologue pour être rassurée avant de partir ! Génial ! J’arrive à obtenir un rendez-vous en fin d’après-midi. Une fois chez lui, ses stagiaires me font d’abord passer quelques tests, puis il regarde mes yeux et me dit : « Madame vous avez un nystagmus (mouvement d'oscillation involontaire et saccadé du globe oculaire causé par une perturbation de la coordination des muscles de l'œil), vous devez vous rendre aux urgences immédiatement ! ».
Ni une ni deux, je rentre à la maison tant bien que mal car je ne voyais plus très bien. J’appelle ma maman pour qu’elle vienne garder notre petit bout à la maison et nous filons à l’hôpital. C’est là que l’enfer commence ! Des heures et des heures d’attente… Je reste persuadée qu’on va m’ausculter, me prescrire un médicament et qu’on pourrait prendre l’avion le lendemain matin. Vers 22h, la neurologue de garde arrive enfin. Elle remarque évidemment le nystagmus aux yeux et une légère faiblesse au niveau de ma jambe droite. C’est là que je pose la question cruciale : « Docteur, je peux prendre l’avion demain ou pas ? ».
Et la réponse fut « Non », je devais passer une IRM en urgence. Elle me demande donc de revenir le lendemain matin à 8h. Retour maison, déçue mais la santé d’abord !
Jeudi 19 décembre : 7h30. Nous déposons notre fils chez sa grand-mère et direction l’hôpital. Je suis sur la liste d’attente des urgences, on se doutait bien que je ne passerais pas l’IRM à 8h mais à 11h, toujours rien, 13h, toujours rien, 15h, toujours rien, 17h, toujours rien… Mon mari doit partir récupérer notre bébé, on ne veut pas trop le déstabiliser ! Je lui dis au revoir… 19h, toujours rien, je commence à avoir des fourmillements dans les côtes, je n’en peux plus pour mes yeux, la situation est insupportable. J’ai d’ailleurs du mal à les laisser ouverts car cela me donne de violents maux de tête. Ça fait maintenant 11h que je suis dans la salle d’attente. Ma petite sœur me rejoint, elle m’apporte de quoi grignoter et patiente avec moi ! À 22h, après 14h d’attente, c’est mon tour.
Je suis épuisée… Après l’IRM, on me propose quand même de m’installer dans une chambre aux urgences en attendant les résultats ! Vers 23h30, on m’annonce que j’ai des lésions au niveau du cerveau, qu’on va me garder à l’hôpital et qu’on va me faire directement une ponction lombaire pour gagner du temps.
On me place dans une chambre provisoire, ma petite sœur est toujours près de moi. La neurologue arrive avec une collègue, également neurologue. Elles m’expliquent le procédé, qu’on va d’abord me faire une anesthésie locale, ensuite qu’on me va prélever le liquide, que je dois absolument ne pas bouger et qu’après ça, je dois bien rester couchée à plat pendant 6h sinon je risque de violents maux de tête ! J’ai peur mais je suis tellement fatiguée que je ne réalise pas bien. Une fois terminé, on me dit que le brancardier va venir me chercher pour me déposer dans ma chambre au service de neurologie. 1h30 du matin, je peux enfin dormir en ne pensant qu’à une chose : dans 6h je pourrai me redresser et mon mari sera à mes côtés.
20 décembre : le médecin passe le matin, il ne se prononce pas sur le diagnostic, seulement moi je suis déjà allée sur Internet et j’ai bien compris ce qu’il se passait. On me prescrit des corticoïdes, 1g/jour pendant 5 jours en perfusion.
Ils veulent me garder à l’hôpital mais je n’en ai pas envie, j’ai un bébé de 5 mois et il est hors de question d’être loin de lui et de mon mari pendant 5 jours. Il propose donc de me garder une deuxième nuit pour voir comment je réagis au médicament et ensuite je pourrai rentrer et revenir chaque matin.
21 décembre : après deux nuits à l’hôpital et mon traitement du matin effectué, je peux rentrer passer la nuit à la maison. On fera comme ça pour le reste du traitement. Mon mari fait donc les allers-retours. Tous les matins, on dépose le petit chez sa grand-mère, ensuite il m’accompagne dans ma chambre d’hôpital, durant les 3-4h de perfusion il en profite pour faire les courses et s’occuper de la maison. Après il revient me chercher. Il m’aide à marcher, je titube beaucoup, comme si j’étais saoule. Le retour est toujours difficile, je me sens mal, dans la voiture je me couche et je ferme les yeux. Une fois notre petit bout récupéré, on rentre à la maison. Je suis incapable de porter mon fils, pourtant si léger, incapable de lui donner le bain, incapable de faire à manger ou encore de m’habiller, je marche très difficilement, mon corps ne tient plus debout. Une fois couchée, je n’arrive plus à me lever seule mais je peux, chaque soir, les embrasser et leur dire que je les aime. Voilà pourquoi je veux rentrer chaque jour !
22 décembre : le côté droit de mon corps s’endort de plus en plus. J’ai un bonnet sur ma tête jour et nuit car j’ai l’impression d’avoir la tête gelée, tellement tout est endormi. Vous voyez quand vous vous endormez dans une position bizarre et que, tout d’un coup, vous vous réveillez avec le bras qui dort ? Imaginez cette sensation sur toute la partie droite de votre corps 24h/24.
23 décembre : je ne sens pas d’amélioration, bien au contraire, ça empire.
Je suis en plein cauchemar !!! Quelle souffrance. Je prie le Seigneur pour que cette sensation disparaisse. J’ai peur, je n’en peux plus, je suis à bout de force !
Pourquoi moi ? Et si jamais rien ne revient à la normale ? Comment vais-je vivre comme ça ? C’est intenable ! Je me fais d’ailleurs la promesse que si, un jour, tout ça se termine, plus jamais je ne me plaindrai. C’est triste de devoir être dans un état pareil pour se rendre compte de la chance qu’on a de savoir simplement marcher, courir, faire les tâches quotidiennes et respirer sans douleurs !!!
24 décembre : c’est le réveillon de Noël, mes 5 jours de traitement sont terminés et après avoir vu le neurologue, je peux rentrer à la maison pour de bon. Avant de partir, le neurologue nous parle de la sclérose en plaques mais il ne se prononce pas à 100% car nous attendons encore des résultats. On se reverra fin janvier pour faire le point. Les jours passent. Noël, Nouvel An… Les yeux vont mieux et le corps aussi, petit à petit. Le traitement fait effet mais la fatigue est extrême car mon corps se bat. Fin janvier, je rencontre le spécialiste, il m’ausculte, j’ai presque récupéré à 100% de mes capacités. Pour lui, il n’y a pas de séquelles physiques. Merci Seigneur ! Il m’explique alors que, sur mon IRM, on voit trois lésions. Deux petites mais une assez importante, un peu plus inquiétante. Il veut être sûr à 100% que cette lésion-là n’est pas une tumeur, seulement, il est hors de question pour lui de me faire une biopsie alors que je vais « bien ». On ne peut donc pas encore parler de traitement. Il veut attendre le mois d’avril, on fera à ce moment-là une nouvelle IRM en espérant que la grosse lésion se soit résorbée. Sinon, on fera directement une biopsie.
Nous voilà en mai, le moment tant attendu est enfin arrivé. Nous sommes en plein Covid et ça n’est pas simple. J’ai enfin mon rendez-vous et, bonne nouvelle, on voit sur l’IRM que la grosse lésion a presque disparu. Le diagnostic est donc sûr à 100%, c’est la sclérose en plaques. On s’y était préparé donc l’annonce n’est pas une surprise. On peut enfin démarrer un traitement et aller de l’avant. On décide de partir sur un traitement à prendre matin et soir : Tecfidera®. Je commence mon traitement début juin avec une petite dose pour que mon corps s’habitue et on augmentera au fur et à mesure. Les effets secondaires se font ressentir : nausées, bouffées de chaleur. Sans oublier les brûlures au niveau de la nuque et de la colonne vertébrale*.
Nous sommes maintenant en août 2020 : le corps semble s’habituer au traitement. En fait non, ça dépend des jours. Très souvent j’ai des nausées* au cours de la journée. Parfois mon visage devient tout rouge avec quelques plaques sur le corps mais le plus dur c’est la fatigue. J’essaye de toutes mes forces de vivre normalement mais je n’y arrive pas. Il est très difficile d’exprimer à quel point la fatigue est handicapante. Je fais du sport depuis toujours, à haut niveau même ! J’ai déjà fait de nombreux marathons, triathlons, un semi Ironman… J’ai surmonté beaucoup d’épreuves difficiles dans ma vie.
Je sais ce que c’est d’être fatiguée, d’aller au bout de ses forces physiques et mentales. Mais là tout est différent ! Se lever est un combat. Comment vais-je me sentir aujourd’hui ? Vais-je tenir toute la journée ? On se rend compte qu’on ne sait plus tout contrôler. Si ton corps dit stop, le mental ne sait pas prendre le dessus. C’est stop, un point c’est tout. Tout est devenu une épreuve. Chaque matin je réfléchis à ce que je vais arriver à faire. M’occuper de mon fils une journée entière m’est très difficile pour le moment et cela me brise le cœur de ressentir ça. Je pleure très souvent, ce sont des larmes de douleurs qui ensuite m’aident à repartir et à croire en moi.
J’essaye d’aller au sport chaque matin, ça me demande beaucoup d’énergie mais j’en ai besoin et je profite de cette chance. En fin de journée, marcher est plus difficile, mon dos me brûle. Mes jambes avancent difficilement mais je me force toujours. Faire les courses ou le ménage équivaut à une séance de sport. Mais malgré tout ça, malgré tout ce que je peux ressentir, j’essaye de voir le positif ! Surtout, je veux me plaindre le moins possible car c’est comme ça, il faut apprendre à vivre avec la maladie, à cohabiter avec elle comme disent certains.
Je me focalise sur les bonnes nouvelles, les beaux moments, les belles personnes. Et surtout, j’éloigne de moi toutes sources de stress ou de négativité.
Mes priorités sont mon mari, mon fils et ma famille. Et cela à jamais !
Ils sont mon plus grand soutien au quotidien et je ne les remercierai jamais assez, surtout mon mari.
À présent, j’apprends à vivre autrement. Je m’adapte du mieux que je peux à chaque situation. J’ai encore de nombreuses questions sans réponses surtout au niveau professionnel. Comment vais-je faire ? Vais-je trouver un équilibre ? Comment sera mon futur ? Est-ce qu’un jour je risque d’avoir des béquilles ? Ou d’être en chaise roulante ? Seul le temps répondra à tout ça et il faut l’accepter. Vivre le moment présent, voilà ce qui m’importe.
Pour terminer, j’aimerais donner un conseil aux proches, amis et connaissances de personnes atteintes : ne les comparez pas à d’autres. Chaque personne atteinte subit différemment la maladie et surtout son traitement. Ne lui dites pas : « Tu as l’air d’aller bien » mais plutôt : « Comment te sens-tu aujourd’hui ? ». Car en général, extérieurement on a tous l’air d’aller bien mais intérieurement c’est le combat d’une vie. »
Par Henriette.
*Note de Notre Sclérose :
Les effets secondaires éventuels et leur intensité sont très variables selon les patients. Pour en savoir plus sur les traitements, lisez notre article rédigé par des professionnels de santé.
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