« Bonjour,
Merci Arnaud pour ce lieu de parole ! Prenez un café, un thé, je déballe !
Oulala, par où commencer… ?
Une citation, peut-être : « La connaissance s’acquiert par l’expérience. Tout le reste n’est que de l'information - Einstein ».
La chronologie sera plus simple.
Lors de mon premier témoignage, je vous avais passé l'épisode de la mort de ma fidèle compagne de 17 ans, mon chat en décembre 2018. J'ai eu droit à : « Bon, ça va 17 ans, elle a fait son temps ». C'est vrai mais elle a partagé ma vie pendant toutes ces années et encore aujourd'hui, elle me manque. Ça a été un coup dur à encaisser. La gestion des émotions n’a pas été simple…
Puis un chien, au caractère bien trempé, avait rejoint notre petite famille en juillet 2017. Un éducateur canin m’a aidé pour dompter mon toutou. Il faisait beaucoup de dégâts. Je n’ai pas pu terminer les cours car « Princesse » (c’est le nom que je donne à ma sclérose en plaques) avait pris le dessus et physiquement je ne pouvais plus répondre aux besoins de balades de ce molosse. Il est toujours avec nous, toujours aussi têtu et a su s’adapter grâce au grand jardin qui entoure mon lieu de vie. Il me tient compagnie chaque jour. Vous comprendrez plus tard pourquoi je parle de mon chien.
Suite à mon premier témoignage, j’ai participé, en mars 2019, à un programme d'entrainement à l'effort : sport, kiné, atelier sur la connaissance de cette maladie, test de différents aménagements possibles, tant sur le sport que sur des outils pour faciliter ou sécuriser le quotidien, assistante sociale, ergothérapeute, neurologue, ... et la conduite. J’ai dû poser 5 semaines de congés. À cette période, j’étais en mi-temps thérapeutique. Ce programme a été très bénéfique au niveau physique, des connaissances de certaines subtilités de « Princesse », de la gestion de l'effort (théorie des cuillères) et j’ai fait la connaissance de cinq autres personnes, âgées de 30 à 62 ans, atteintes de la sclérose en plaques avec un vécu de la maladie de plus de 10 ans. Un an après, ce que j’ai retenu c’est que l'activité physique, les étirements et les temps de repos sont une alchimie très personnelle et que ces petites activités sont indispensables pour notre bien-être. Ce qui est valable pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres. La connaissance de notre sclérose en plaques est un long chemin et pas forcément en ligne droite. Si vous avez la possibilité de bénéficier de ce séjour, je vous le recommande. En plus de tout ce que cela apporte, on n’est pas seul. Partager ses joies et ses peines avec des personnes qui vivent la même chose que vous, fait du bien.
À l'issue de cette hospitalisation de jour, je me sentais très bien. Je reprends mon travail à mi-temps en avril.
Mi-juin, je suis à nouveau très faible. C’est compliqué d’assurer mon poste au travail et de garder une « vie à côté ». Mes journées se ressemblent : le matin travail, l’après-midi je dors. Je n’arrive plus à gérer les tâches quotidiennes. Le week-end, je dors pour assurer la semaine de travail. Je prends rendez-vous chez mon généraliste car je n'en peux plus. J’ai 8,5 de tension. Mon médecin m’informe qu’elle ne peut pas continuer à me prescrire un mi-temps thérapeutique et qu’elle demande un rendez-vous avec un médecin-conseil de la CPAM. Elle me fait alors un arrêt de travail jusqu’à fin juin.
Sur le coup, je suis contente de faire une pause car je sens que j’ai abusé de mon énergie.
15 jours après, j'ai rendez-vous à la CPAM.
Personne ne nous prépare à ce qui va suivre, quel dommage car être malade c’est une chose mais les conséquences peuvent très douloureuses. La encore, la gestion des émotions n’est pas simple.
Le verdict a été rapide : « Madame, au vu de la consultation, vous ne pouvez plus travailler que 1/3 du temps. Vous ne retournez pas travailler dès le mois d'août, vous percevrez une pension d'invalidité, vous n'êtes pas obligée de retravailler, avez-vous une prévoyance ? Alors voilà comment votre pension va être calculée… ».
J’informe mon employeur qui me demande des justificatifs mais je n’en ai pas. Je me retrouve en « disponibilité » avec un manque à gagner important (j’ai un poste de responsable dans un dispositif d'État).
Un rendez-vous avec un médecin expert, habilité par le dispositif, est pris début août pour statuer sur mon cas. Pendant la fermeture estivale, personne n’est joignable. Ce gentil médecin me demande de quoi je suis atteinte et je lui réponds : une sclérose en plaques. Là encore, mon destin se joue en quelques minutes.
Le médecin : « Au vu de votre maladie et des aménagements demandés, vous ne pouvez plus travailler chez eux car cela n’est pas possible dans ce cadre. Je vous déclare inapte à l'entreprise X ».
Mon mois d'août se résume à :
- Je suis soulagée car ce poste et le cadre de travail me demandaient trop d'efforts.
- Une interrogation : comment vais-je vivre financièrement et occuper mes journées à la fin de l'été ?
En septembre, je suis licenciée.
Le ballet des rendez-vous avec l'assistante sociale commence et s’est terminé en janvier 2020 pour trouver les aides dont je peux bénéficier, monter les dossiers : MDA (Maison départementale de l'autonomie), APL, mise à jour du permis de conduire, aide-ménagère, complémentaire santé…
Je suis vide, sans motivation et je commence à digérer cette situation aujourd'hui.
Pour résumer, je n’ai plus de vie sociale comme avant (travail en équipe, accompagnement d'usagers). Plus de vie professionnelle : avant, je disposais d’un budget très confortable alors que maintenant je dois compter pour réussir à joindre les deux bouts. Et mon fils n’accepte ni la maladie ni notre nouveau train de vie. Une mise en place d’une mesure éducative a été faite car il est trop difficile en paroles et en comportement. Chaque conflit met mes nerfs à rude épreuve et plusieurs jours sont nécessaires pour que je m’en remette. Là encore, la gestion des émotions n’est pas simple.
« Princesse », tu es une garce ! J’ai accepté la colocation avec toi sans imaginer que tu entraînerais autant de bouleversements.
Les points positifs de 2019 :
- J’ai une pension d'invalidité jusqu’à la retraite. Ok mais après, j’avoue ne pas savoir ce qui va se passer…
- Je ne veux plus exercer mon métier mais je veux continuer à travailler et pour le bien des autres. Il me revient en tête un métier que j’avais découvert il y a bien longtemps lors d’une reconversion professionnelle. Art thérapeute, c’est un métier qui allie la peinture et le bien-être des autres.
Aujourd'hui, je veux travailler mais aussi me faire plaisir avec des contraintes compatibles avec mon état de santé. Sur le papier, tout ça pourrait coller (horaire de travail, alternance entre station assise ou debout…).
J'attends que mon énergie et ma motivation soient de retour. Après, je vais approfondir mes connaissances dans le domaine et faire des enquêtes auprès des professionnels pour savoir si c’est jouable ou pas.
Pour l’autonomie, la marche est compliquée. Pour les courtes distances j’utilise une béquille car celle-ci me rassure. Pour faire les boutiques avec les copines, je sors le fauteuil roulant.
Lors du stage d’entraînement à l’effort, j’ai pu tester un tricycle. J'ai adoré. J'ai investi (merci la prime de licenciement) pour faire des balades dans le village. Ce qui est bien, c’est que mon chien vient avec moi. Quel bonheur pour lui et moi de nous balader ainsi (et puis ça fait parler les badauds). Cette activité allie confort et plaisir.
Pour la douche, j’utilise un tabouret. Fini la hantise de tomber en sortant de la douche ! Avec un peu d'attention c’est quasiment sans risque, quel confort !
Sinon, j’ai deux séances de kiné par semaine (exercices sur l'équilibre, le renforcement musculaire et Pilate). C’est ma nouvelle vie sociale ! Et j'ai compris l'expression « En avoir plein le dos ».
J'ai le temps de profiter des oiseaux et admire chaque jour la dégustation des mésanges communes et bleues, moineaux, rouges-gorges qui s’invitent à la table que je leur dresse pour passer l'hiver. Quel plaisir !
Je prépare mes plantations de fleurs pour le printemps. Quel plaisir !
Je continue mes essais de pâtisseries et je me régale. Sur ce point, le fiston est content car il y a souvent des gâteaux à la maison. Quel plaisir !
Je repeins, j’ai beaucoup d’idées mais pas forcément assez de talent pour tout mettre sur papier. Pour arriver à mes fins, j’utilise une tablette lumineuse pour dessiner (ce que je n’ai pas l'habitude de faire). Quel plaisir !
J’ai investi dans une voiture à boîte automatique qui apporte un véritable confort d’esprit car il n’y a plus la mécanique à gérer donc moins de fatigue.
Pour mon bien-être, je pratique la méditation.
Bref, ce fut une année « chamboule-TOUT ». J’ai dû accepter de nombreux changements. Lorsque c’est un choix, c’est quand même plus simple de les vivre. Pour moi, ce fut beaucoup d’adaptations.
On m’avait dit que la première année de maladie était la plus difficile mais je n’avais pas imaginé à quel point.
Quand notre cerveau roule à 130 km/h et que notre corps ne roule qu’à 30, ça fait un sacré déséquilibre. J’ai le reste de la vie pour trouver l’équilibre.
La sclérose en plaques nous oblige à être patient et à l'écoute de nos besoins. Ça va me permettre de me retrouver car je me suis perdue dans mon dernier poste.
Je me disais : « S'est-elle invitée pour rectifier la trajectoire et me permettre de vivre une vie plus sereine et épanouie ? Celle dont j’ai toujours rêvé ? ».
Je garde le sourire et me reconstruis mais pas aussi vite que je le voudrais. Certes, je me retrouve parfois dans un cul-de-sac mais je fais demi-tour et prends un autre chemin. J’avance et ne veux pas lâcher le morceau !
Mon prochain témoignage sera peut-être gris ou plein de couleurs mais pas aussi noir qu’aujourd'hui. Tout ça, c’est du passé, je digère à ma vitesse et pense à demain.
Un mot pour les malades de longue date : j’admire votre joie de vivre et votre courage et vous prends comme exemple.
Prenez soin de vous ! Nous le valons bien ! Merci à celles et ceux qui ont lu jusqu’au bout. »
Par Sabine.
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